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Burkina Faso : La formation aux méthodes SRI améliore le quotidien des paysans de Bama
L’activité rizicole dans la vallée du Kou, jadis très florissante, connait une baisse inquiétante depuis quelques années. L’ensablement de sa source d’eau conjugué aux effets de la sécheresse menace la survie des paysans. Pour remédier à cette situation, CODEGAZ, une association Humanitaire française, a initié un programme destiné à former les agriculteurs de la Commune de Bama, située dans la vallée et particulièrement touchée par la crise agricole, aux principes du SRI. Après seulement une année de mise en œuvre, ce programme a donné des résultants probants. L’adoption du SRI a permis aux paysans d’améliorer sensiblement leurs conditions de vie.
Un contexte difficile à Bama
Sur la commune de Bama, ville située à 20 kilomètres de Bobo-Dioulasso (province du Houet de la région des Hauts-Bassins) au Burkina Faso, existe depuis 1970 un périmètre aménagé de 1 200 hectares. Dans les premières années d’exploitation du périmètre rizicole, la terre était fertile et la ressource en eau abondante. Cependant, après 40 ans de riziculture, la terre s’est appauvrie. En outre, en raison de l’ensablement de la rivière Kou qui alimente les canaux d’irrigation et des aléas climatiques (déficit pluviométrique important), l’eau devient insuffisante en saison sèche.
En conséquence, depuis plusieurs années, la production de riz connait une baisse considérable des rendements. Cette situation se traduit par un volume réduit des récoltes qui entraine l’insécurité alimentaire et l’appauvrissement des couches les plus défavorisées : la malnutrition touche les enfants, provoquant une augmentation de la mortalité infantile, les adultes ne mangent pas à leur faim, les paysans abandonnent leurs champs et émigrent pour trouver du travail ailleurs.
Un projet SRI pour relancer la riziculture
Les riziculteurs de la région étaient à la recherche de méthodes leur permettant de remédier à la contrainte d’un sol appauvri et d’une ressource en eau déclinante pour maintenir voire augmenter leurs rendements. En 2005, une expérience avait été menée par Tim Krupnik, jeune chercheur américain de l’Université de Cornell, avec une cinquantaine de paysans. Bien qu’ayant montré des résultats prometteurs, l’expérience était restée limitée. Elle avait néanmoins permis de former une équipe de techniciens agricoles compétents sur les méthodes du SRI, posant les bases pour l’avenir.
Depuis 2009, CODEGAZ, association humanitaire des salariés de l’entreprise française GDF SUEZ, met en oeuvre des programmes de SRI au Cambodge et à Madagascar. Cherchant à développer un projet de SRI au Burkina Faso, CODEGAZ a pris connaissance des conditions particulières à Bama qui se prêtaient à la mise en place d’un programme de formation au SRI.
Pour remédier aux difficultés rencontrées par les riziculteurs de Bama, CODEGAZ s’est liguée avec AMAPAD (Association Mawouro-bi pour la Promotion de l’Agriculture Durable), association burkinabé avec laquelle elle met au point un programme de formation et de suivi-accompagnement à destination des paysans des 8 quartiers de Bama, constitué de 2 volets : un volet SRI et un volet maraichage biologique. Le SRI visait à augmenter la production rizicole et le maraichage à accroître la production vivrière tout en améliorant les sols de manière naturelle. L’avantage d’une démarche faisant appel aux techniques du SRI et du maraichage biologique est qu’elle permet de répondre aux défis locaux grâce à un transfert de connaissances techniques faisant appel uniquement aux ressources dont disposent les paysans.
CODEGAZ, a détecté la zone et les acteurs pour pouvoir mettre en place le projet. Elle a configuré le projet et précisé ses objectifs, mis en place avec AMAPAD le contenu de la formation, et a recherché les bailleurs pour financer le projet.
Elément central du projet, l’équipe de formateurs de l’association AMAPAD est constituée de 3 techniciens agricoles chevronnés. Formée aux techniques du SRI et du maraichage biologique, c’est cette équipe, dirigée par M. Pierre BELEM, qui dispense les formations théoriques et pratiques, assure le suivi et l’accompagnement personnalisé auprès des paysans.
Autre acteur important, l’Union des Coopératives Rizicoles de Bama (UCRB), qui joue un rôle important dans la mobilisation des paysans et le choix des participants.
Objectifs et résultats attendus du projet
En termes d’objectifs, le projet vise à augmenter la sécurité alimentaire, lutter contre la pauvreté, et préserver les ressources naturelles et l’environnement. Pour ce faire, CODEGAZ et AMAPAD ont misé sur un programme de formation aux techniques innovatrices du SRI et du maraichage biologique.
Afin de répondre au premier objectif d’accroissement de la sécurité alimentaire, on s’est tout d’abord fixé comme but de disséminer les techniques à un large nombre de paysans tout en tenant compte des moyens limités du projet. Premier objectif : obtenir un nombre minimum de paysans formés et appliquant les techniques apprises du SRI et du maraichage biologique dans leurs champs. Pour le SRI, l’objectif visé est de former en trois ans 200 riziculteurs dont au moins 80% pratiqueront le SRI.
En outre, on s’est fixé l’objectif de dépasser 10% de superficie cultivée en SRI par rapport à la surface totale de la zone rizicole de Bama. Une augmentation significative du rendement à l’hectare fait également partie des résultats attendus, soit un doublement des rendements par rapport au rendement en culture traditionnelle.
Le projet prévoit également de former un certain nombre de paysans-relais qui auront subi une formation approfondie, qui au terme de celle-ci seront capables de former leurs collègues riziculteurs et maraichers, et sur qui les équipes d’AMAPAD pourront s’appuyer pour assurer une formation plus large et plus enracinées dans le temps des paysans de la région. Ainsi, les techniques du SRI et du maraichage biologique pourront être disséminées plus efficacement au sein de la population des paysans de Bama.
Pour répondre à l’objectif de lutte contre la pauvreté, le projet vise le résultat d’une augmentation du nombre de familles ayant enregistré un accroissement des revenus grâce à la revente des surplus sur les marchés locaux. En outre, grâce au SRI notamment, on attend également la réduction des coûts de production.
Concernant la préservation des ressources naturelles et de l’environnement, celle-ci se traduit par la réduction sensible de l’utilisation des ressources en eau nécessaires pour la pratique du SRI, mais aussi par la préservation des sols par l’usage d’engrais biologiques (compost).
Déroulement et contenu de la formation
A la fin de la saison sèche 2012, des réunions d’information et de sensibilisation ont été tenues au niveau des 8 coopératives de quartier de Bama, afin d’informer les responsables des coopératives, les riziculteurs et les maraichers sur les activités du projet à venir. C’est aussi durant cette période que l’on a procédé à l’inscription des paysans participants à la formation SRI.
Le contenu de la formation a été conçu avec l’équipe des formateurs d’AMAPAD afin de permettre le renforcement des capacités des producteurs pour répondre aux défis de la situation spécifique à Bama par la maîtrise des techniques du SRI et du maraichage, mais également de la gestion de l’eau, l’amendement et la protection des sols par des techniques naturelles. Le projet prévoit la mise en place de champs-écoles, outils important pour la démarche pédagogique car c’est sur ces champs que sont effectuées les formations théoriques et pratiques avant d’être dupliquées dans les parcelles des participants.
Plus spécifiquement, la formation aux techniques du SRI contient un module de formation théorique et un module de formation pratique, mais également des modules de formation consacrés aux techniques de compostage, à la préparation des sols, la mise en place des pépinières, à la gestion de l’eau.
De son côté, la formation au maraichage biologique comporte, outre des modules de formation au maraichage, des sessions de formation sur la mise en place des pépinières, la préparation des sols, et les semis et repiquage. Un module d’économie agricole est également dispensé aux paysans.
Pendant la durée de la formation au SRI et au maraichage, les participants ne sont pas laissés seuls livrés à eux-mêmes. Ils sont accompagnés tout au long du processus grâce à un suivi et un appui techniques personnalisés, ainsi qu’à des tests de niveau. En outre, les formateurs utilisent la méthode participative qui permet aux agriculteurs d’échanger et de partager entre eux leurs expériences en SRI et en maraichage.
Autre dispositif du projet, les visites commentées. Ce sont des journées porte ouvertes à l’occasion desquelles on invite le public (administration, coutumiers, religieux, producteurs, autres villages, communes, médias, écoles) à visiter les CEP afin de voir les réalisations du projet. Ces journées d’échange et de partage d’expériences permettent de mobiliser la population et de faire connaître le SRI et ses avantages.
En termes de dépenses, il faut prévoir l’indemnisation des formateurs car ce sont eux qui assurent le suivi personnalisé des paysans et les encouragent tout au long de la campagne. Il faut également prévoir un investissement dans le matériel agricole, tel que les houes rotatives (pour le sarclage), les charrettes et les brouettes (pour le transport du compost), ainsi que les charrues pour la préparation du sol. Ce point est important car le matériel agricole est un facteur d’encouragement important pour la mise en œuvre des nouvelles pratiques.
Une première campagne prometteuse
La première campagne 2012 a été prometteuse car elle a permis d’enregistrer les résultats suivants concernant le volet SRI :
111 paysans (dont 18 femmes) ont pu être formés au SRI, alors qu’il en était prévu 50,
25 paysans-relais capables de former eux-mêmes leurs collègues aux méthodes du SRI ont subi une formation approfondie,
83 paysans (au lieu de 40 prévus) ont mis en pratique les méthodes du SRI sur leurs parcelles, dont 32 ont utilisé du compost naturel pour amender les sols ;
6 500 m2 de pépinière de SRI ont été ensemencés ;
65 hectares de rizière ont été cultivés selon les méthodes du SRI, au lieu de 40 hectares prévus ;
530 tonnes de riz SRI ont été produites ;
8 tonnes/hectare de rendement moyen pour les parcelles cultivées selon la méthode SRI (avec des pointes à 11 tonnes), soit un une augmentation de + 70% par rapport aux rendements en culture traditionnelle (4 tonnes/hectare).
Ces bons résultats et l’augmentation substantielle de la production enregistrée vont permettre aux paysans et à leurs familles de mieux tenir durant la période de soudure. D’autre part, les paysans ont également pu revendre leurs surplus aux grossistes de Bobo-Dioulasso et augmenter les revenus de leurs exploitations. En moyenne, pour une production de 8 tonnes/ha, le revenu brut obtenu est de 1 120 000 FCFA. L’augmentation des revenus a un impact social important car les familles ont ainsi plus de possibilités et de facilités pour faire face aux frais médicaux et aux frais de scolarisation de leurs enfants. Les familles parviennent même à épargner, ce qui n’était pas le cas avant la pratique du SRI.
A noter parmi les suites constatées de la formation, l’abandon des mauvaises pratiques traditionnelles avec une meilleure organisation du travail selon un programme de travail. On a également noté une meilleure qualité du riz cultivé.
Pour conclure sur cette première campagne, on peut dire qu’elle a été très positive. L’apprentissage aux techniques SRI a été une école pour les producteurs qui ont pris part à la formation. A travers cela, ils ont acquis des nouvelles connaissances qui leur ont permis d’améliorer leur manière de travailler, leur rendement et leurs conditions de vie. Ils ont aussi pris davantage conscience de l’importance et du rôle de l’éducation et du savoir. Il y a eu un changement au niveau de leur mentalité qui les dispose à inscrire leurs enfants à l’école et à les soutenir. Certains parents enseignent d’ailleurs maintenant les techniques du SRI à leurs enfants.
Tableau récapitulatif des principaux résultats du Projet SRI à Bama
formations prévues | formations réalisées | superficie prévue | superficie réalisée | Nombre d’adhérents prévu | Nombre d’adhérents obtenu | |
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Année 2012 | 50 | 111 | 40 ha | 65 ha | 40 | 83 |
Pierre BELEM (coordonnateur du Projet SRI de CODEGAZ au Burkina Faso)pierrebelem@yahoo.fr
Alain OSCAR (CODEGAZ - GDF)alain.oscar@gdf.fr