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Burkina Faso : vers plus de phénomènes d’inondation dans la zone de Ouagadougou
Les résultats de recherche menée au Burkina Faso dans le cadre du projet AMMA-2050 montrent que la ville de Ouagadougou risque de vivre plus d’évènements d’inondation dans les années à venir. Les décideurs politiques peuvent prendre en compte un tel scenario dans la planification urbaine.
De nouvelles recherches montrent que la fréquence des tempêtes (ou évènements extrêmes) au Sahel a triplé au cours des 35 dernières années, apparemment en lien avec le réchauffement climatique mondial. Au Burkina Faso, cette période a également été marquée par une forte urbanisation, mais accompagnée par de faibles investissements dans des infrastructures et une gestion peu sensible aux inondations.
La combinaison de ces processus a entraîné une forte augmentation de la fréquence des inondations et des dégâts, avec des impacts socio-économiques importants dans tout le pays. Les impacts ont été particulièrement graves à Ouagadougou, notamment lors de l‘évènement d’inondation de 2009, avec des précipitations enregistrées de l’ordre de 263 mm et des dizaines de milliers de personnes déplacées.
Il est attendu que le changement climatique et l’expansion urbaine devraient continuer à accroître les risques d’inondation pendant les prochaines décennies.
La nouvelle compréhension scientifique sera essentielle pour éclairer le développement d’informations et de produits climatologiques susceptibles de soutenir une planification appropriée de la ville de Ouagadougou, de renforcer la résilience de la population et des infrastructures de la ville afin de mieux comprendre les risques croissants d’inondation.
Théorie du changement
Lors de l’élaboration de la proposition AMMA-2050, l’inondation de 2009 à Ouagadougou était rapidement devenue un point de référence essentiel. Les parties prenantes ont donc voulu comprendre si le changement climatique avait joué un rôle dans cet événement dommageable et surtout, s’il était susceptible de se reproduire à l’avenir.
Dans le même temps, les scientifiques ont voulu comprendre ce qui conduisait à l’augmentation apparente des fortes pluies. Nous avons donc réuni une équipe de chercheurs pour analyser les archives du passé (y compris les données pluviométriques, les mesures satellitaires et les informations sur les inondations des archives des journaux) afin de comprendre les tendances historiques et de les replacer dans le contexte du réchauffement climatique.
Au fur et à mesure de nos recherches, nous avons compris qu’un important message était en train d’émerger : les caractéristiques des tempêtes dans la région avaient changé de façon remarquable.
Nous avons reconnu que le réchauffement rapide observé dans le Sahara au cours des dernières décennies affectait l’environnement atmosphérique dans lequel se développait les tempêtes sahéliennes. Contrairement à l’idée conventionnelle, les données ont mis en évidence les changements du vent plutôt que de l’humidité comme étant le facteur clé des tendances en matière d’intensité des tempêtes.
Un tel effet n’avait jamais été observé nulle part ailleurs dans le monde. Dans le même temps, l’analyse des informations sur les évènements d’inondation reportés par la presse burkinabé a montré une augmentation de la fréquence des inondations, qui est généralement passée d’un évènement d’inondation par an au cours des années 1980 à cinq évènements d’inondation par an au cours de la dernière décennie.
Comme dans le reste de l’Afrique, l’urbanisation a certainement joué un rôle important dans cette tendance. Cependant, les travaux montrent que les effets du changement climatique sur la fréquence des inondations se font déjà sentir dans cette région.
L’identification d’une forte tendance dans les tempêtes extrêmes et ses liens avec le changement climatique global, souligne l’importance du projet pilote AMMA-2050 sur le renforcement de la résilience aux inondations en milieu urbain.
L’analyse des évènements d’inondation historiques reportés dans la presse burkinabé a révélé une augmentation de la fréquence des inondations au cours des 30 dernières années. Cet accroissement de la fréquence des inondations peut être lié en partie à l’augmentation des tempêtes intenses. Cela a conduit le projet AMMA-2050 a développé des méthodologies pour élaborer les cartes d’inondations à Ouagadougou à la suite des orages intenses en prenant en compte les changements d’utilisation des sols et du climat.
La modélisation hydrologique nous permet d’explorer comment les flux d’eau (débits) et les zones inondées peuvent changer à l’avenir au niveau de la ville en réponse au changement climatique et au changement d’utilisation des sols. Pour atteindre cet objectif, une collaboration entre le projet AMMA-2050 (www.amma2050.org) et le projet RainCell (IRD) a été initiée.
Le projet RainCell se concentre sur la modélisation hydrologique pour les prévisions opérationnelles à court terme à Ouagadougou (voir www.athys-soft.org). Les deux projets sont donc complémentaires et les données collectées par ces projets (précipitations : IRD et débits : AMMA-2050) sont utilisées comme données d’entrées de la plateforme de modélisation hydrologique pour simuler les inondations à Ouagadougou.
AMMA-2050 a organisé une réunion des décideurs nationaux et municipaux et des conseillers techniques en mai 2018. Les connaissances scientifiques émergentes ont été partagées et une série d’exemples de cartes de risque d’inondation ont été discutés avec les participants pour identifier les informations, le type et le format de visualisation des produits, enfin la communication qui peut mieux soutenir leur planification.
Analyse des résultats
L’analyse a montré l’importance de la contribution du changement climatique à la tendance historique des inondations au Sahel. Fait important, l’étude met en évidence les principaux facteurs atmosphériques du changement des caractéristiques des tempêtes, ce qui nous permet d’évaluer la représentation de ces processus dans les modèles climatiques.
Nous avons identifié l’effet crucial que les changements du gradient de température nord-sud en Afrique du Nord ont sur le développement des tempêtes.
Les modèles climatiques exécutés sur la période historique donnent une image assez cohérente, montrant que l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre à ce jour a plus réchauffé les régions plus sèches (comme le Sahara) que les régions plus humides (par exemple l’Afrique équatoriale), augmentant ainsi le gradient de température.
De plus, les modèles ont tendance à converger sur le fait que ces différences régionales de réchauffement se poursuivront au cours des prochaines décennies. Cependant, les modèles climatiques actuels ne permettent pas de simuler les processus physiques détaillés au sein des tempêtes, qui lient en réalité un gradient de température plus élevé à des précipitations plus intenses.
Cela signifie que si les modèles climatiques conventionnels peuvent fournir des informations utiles sur l’évolution future des gradients de température entraînant des précipitations intenses, l’utilisation directe de leurs prévisions de précipitations pour éclairer la planification sous-estime probablement l’impact du changement climatique.
D’autre part, les nouvelles simulations du climat africain produites par le projet IMPALA du programme FCFA capture de manière beaucoup plus réaliste la physique des tempêtes. Dans le projet AMMA-2050, nous avons donc utilisé les résultats de ces simulations pour examiner comment les tempêtes extrêmes vont changer sous un climat beaucoup plus chaud, et nous avons utilisé ces informations pour évaluer le risque d’inondation à Ouagadougou.
Actuellement, le schéma d’aménagement urbain de la capitale burkinabé, le plan « Grand Ouaga », est loin d’être cohérent. L’occupation des sols n’est pas bien gérée et pose d’importants problèmes d’assainissement, notamment la gestion des déchets, des boues et des eaux usées. La fourniture de l’information sur le climat permettra aux décideurs de disposer des outils appropriés pour planifier et développer le plan « Grand Ouaga ».
Le projet AMMA-2050 souligne également l’importance vitale de prendre en compte les populations les plus vulnérables qui occupent généralement les zones sujettes aux inondations et les zones désignées pour ne pas être occupées, car elles sont favorables aux inondations.
Leçons apprises
Le facteur clé qui a permis à cette nouvelle compréhension scientifique d’être directement utile au renforcement d’une planification urbaine résiliente aux risques d’inondations et d’apporter un soutien immédiat à celle-ci était la nature du financement provenant du programme FCFA. Le programme exigeait que la science du climat se concentre sur les besoins des utilisateurs.
Les membres africains du consortium et les parties prenantes au cours de la phase d’élaboration de la proposition ont clairement mis l’accent sur les inondations.
Cependant, comprendre comment les précipitations extrêmes vont changer dans le futur est un défi particulièrement pour les climatologues car leurs principaux outils (modèles climatiques) sont notoirement médiocres pour simuler des tempêtes intenses.
D’autre part, le programme fournit des fonds importants pour résoudre des problèmes scientifiques complexes en science de climat, ce qui nous permet de réunir des spécialistes en modélisation climatique et hydrologique et des observations. De plus, avec la disponibilité d’un modèle climatique ultramoderne capable de capturer de manière réaliste les tempêtes du projet IMPALA, nous sommes mieux placés pour aller au-delà de la compréhension du passé et dire quelque chose sur l’avenir.
Cadrer notre travail dans le contexte des besoins des utilisateurs et des décisions prises par différents secteurs a été un défi, mais a incité les utilisateurs et les chercheurs à communiquer plus étroitement. La compréhension des exigences pratiques en matière de planification urbaine dans une ville comme Ouagadougou et la connaissance des limites des informations climatiques existantes ont poussé nos chercheurs à se lancer dans de nouvelles enquêtes. Autrement, ils ne les auraient peut-être pas menées.
Christopher Taylor
Professeur en climatologie
Contact : cmt@ceh.ac.uk
Maïmouna BologoTraoré
Enseignante-Chercheure en Sociologie à 2iE
Contact : maimouna.bologo@2ie-edu.org
Fowe Tazen
Doctorant en Hydrologie au Centre for Ecology and Hydrology (CEH) et
Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE)
Contact : tazen.fowe@2ie-edu.org
Photo d’ouverture : Fowé Tozen
Notes de bas de page :
Improving Model Processes for African Climate (IMPALA) : la recherche IMPALA vise à améliorer la compréhension des processus climatiques africains et des mécanismes de changement futur en Afrique subsaharienne. The IMPALA research aims to improve understanding of African climate processes and the mechanisms of future change across sub-saharan Africa.
FCFA : climat futur pour l’afrique www.futureclimateafrica.org