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Pastoralisme à Kolda : le défi d’une meilleure valorisation

L’élevage joue un rôle déterminant dans la sécurité alimentaire tant par les revenus issus de l’exploitation que par la consommation des produits (viande et lait). Il représente 35% de la valeur ajoutée de l’agriculture et 7.5% du Produit Intérieur Brut, (MEPA, 2013) cité par (APESS, 2013) et occupe la deuxième place dans l’économie de la région de Kolda. Aujourd’hui, une gestion optimale du secteur peut contribuer à résoudre le chômage grâce au développement des différents maillons de la chaîne de valeur. Cependant, du fait de menaces climatiques combinées à d’autres facteurs d’ordre anthropique et politique, le pastoralisme dans la région de Kolda est confronté à d’énormes problèmes. De ce fait, ce secteur à caractère rural mérite une attention particulière.

Avec une superficie de 13721 km², la région de Kolda, située au sud du Sénégal, compte 662 455 habitants, dont 492818 ruraux contre 169637 urbains, (ANSD, 2015) . Son économie repose principalement sur l’exploitation agricole et la pratique de l’élevage grâce au climat de type soudano-guinéen, avec des précipitations qui varient entre 700 et 1200 mm par an. Son vaste espace et l’abondance de la végétation favorisent le développement du secteur de l’élevage.

Kolda est la deuxième région d’élevage du Sénégal avec un taux de 19% du cheptel national. L’élevage y est de type extensif sédentaire dominé par le commerce du lait qui constitue le pilier de l’économie pastoral (Néné Dia, 2009) . Les bovins et les ovins constituent l’essentiel du secteur avec une prédominance de la race ndama, avec respectivement 461 870 et 205 610 têtes.

La région enregistre l’existence de trente Groupements d’Intérêts Economiques (GIE) et de deux associations d’éleveurs. La quantité de lait exploitée s’élève à 529 525 litres, représentant une valeur monétaire de 400.042.800FCFA tirée du registre du Comité National de l’Interprofession de la Filière Lait (CENAFIL) d’après (ANSD, 2015). Cependant, malgré son importance et le nombre de personnes qui s’activent dans la filière, le pastoralisme fait face à plusieurs contraintes qui freinent son essor en général et celle du développement socio-économique de la zone en particulier.

Les contraintes au développement du secteur de l’élevage

En dehors des contraintes climatiques dont souffrent les éleveurs, le pastoralisme est confronté à plusieurs problèmes à Kolda. Parmi celles-ci figurent le vol de bétail, les feux de brousse, l’extension des surfaces agricoles, les conflits entre les acteurs dans l’accès aux ressources, les maladies animales etc.

La pratique de l’élevage est étroitement liée à l’existence d’un tapis herbacé et de points d’eau. La perte du couvert végétal est occasionnée par divers facteurs et a pour conséquence la baisse de fertilité des terres donc des rendements.
Face à l’augmentation de la population, l’inefficacité des systèmes de production, des politiques agricoles et de la dégradation des sols, la quête de nouveaux espaces de cultures reste la solution pour améliorer la productivité agricole. Le taux de défrichement des zones de prédilection des éleveurs est considérable. Il est beaucoup plus marqué dans le département de Médina Yoro Foula à cause de l’arrivée du front pionnier agricole avec les nombreux conflits entre agriculteurs et éleveurs dans la zone de Pata. Ce conflit d’intérêt dans l’occupation du sol a pour conséquence le confinement des éleveurs dans un espace de plus en plus réduit qui entraine le surpâturage.

Le rapport de l’agriculteur à l’espace place celui-ci en position de force face à l’élevage pastoral car l’emprise au sol de l’agriculteur est visible et durable (Magrin et al en 2011) . Au-delà de ces facteurs, il faut noter les feux de brousse qui entraînent une sérieuse destruction du couvert herbacé. L’alimentation du bétail est assurée en grande partie par ce couvert herbacé aussi bien en saison de pluie qu’en saison sèche.

Néanmoins, des efforts sont faits dans la gestion de ce potentiel avec une réduction sensible des surfaces atteintes par ces feux de brousse. Elles sont passées de 48 867 ha en 2004 à 7 361 ha en 2013, dont 25 cas pour Kolda, 14 pour Vélingara et 10 à Médina Yoro Foula (ANSD,2013).

De plus, le vol de bétail, malgré le durcissement de la loi, demeure une préoccupation des éleveurs et peut conduire à une destruction ou à l’abandon de l’activité. Il contribue à l’appauvrissement des populations et constitue une menace à la sécurité des éleveurs. « Les éleveurs ont le sentiment que la question n’est pas bien prise en charge par les autorités, car celui qui vol un sac de riz, est enfermé pour trois ans et celui qui vol 100 bœufs, pour trois mois » disent-ils, (APESS, 2013). Ce qui pose tout le problème de l’injustice à laquelle les éleveurs font face.

Cette insécurité, combinée à une faible prise en charge du traitement du bétail, augmente les difficultés. Selon l’Inspection Régionale du Service Vétérinaire de Kolda, sur un objectif de 87.3%, seul 43.7% a été réalisé pour la maladie de dermatose nodulaire contagieuse bovine. Pour ce qui est de la peste des petits ruminants, sur les 54.3% seul 27.2% a été effectué en 2013. Ces chiffres montrent clairement le faible taux de vaccination dans la région.

Entre politiques et réalités

Le développement de toute activité nécessite l’existence d’un environnement favorable incitatif permettant de faciliter et de développer l’esprit créatif surtout lorsqu’il s’agit d’un secteur qui touche pour l’essentiel, les familles rurales. On sait que toute activité peut être confrontée à un certain nombre de difficultés dont la maitrise s’avère importante pour sa réussite. Cependant, si ces contraintes sont d’ordre différent et relèvent de plusieurs responsabilités, l’engagement de tout un chacun peut concourir à amoindrir les effets négatifs, si une harmonisation des interventions, la définition de stratégies et des responsabilités reposent sur un bon cadre de gestion.

Les politiques de l’élevage ont toujours existé au Sénégal, de la Politique des forages aux Plans d’ajustement structurel (PAS), en passant par la Nouvelle initiative sectorielle pour le développement de l’élevage (NISDE), le Plan national de développement de l’élevage (PNDE) et la révision de la Loi agro-sylvo-pastorale (LOASP). Cette loi constitue le cadre de référence en matière de pastoralisme, mais la part réservée à ce secteur dans ce document est trop petite pour assurer une gestion rigoureuse capable de prendre en charge tous les enjeux liés à son essor.
Animé par le désir de réduire la mobilité des éleveurs et d’augmenter la production du lait, l’Etat oriente de plus en plus sa politique vers l’insémination artificielle et la stabulation.

D’ailleurs, c’est ce qui explique la mise en place de Fonds de stabulation, un programme spécial d’insémination artificiel reposant sur la politique laitière qui devrait au préalable être accompagnée d’une connaissance de la capacité de collecte et de transformation, d’un dispositif de suivi des vaches inséminés et d’ une bonne prise en charge des maladies qui en résultent car, même les chiffres relatifs aux vaccinations révèlent un déficit. D’ailleurs, selon l’Inspection Régionale des Services Vétérinaires, en 2013, le nombre de vaches inséminées est très faible par rapport au nombre de vaches sélectionnées dans chaque département. Au niveau régional, le taux de gestation enregistré est de 47.4%, soit moins de deux vaches sur quatre présentes dans la base de données générales (ANSD, 2013).

Cette politique combinée à la production fourragère et l’amélioration de l’aliment de bétail par la réduction des prix de certains produits devaient conduire à un service continu de fourniture de lait. Tel n’est pas encore le cas. La plupart des groupements qui interviennent dans la production de lait sont confrontés à une rupture pendant la saison sèche liée parfois au moyen de déplacement, à l’éloignement des villages et l’impraticabilité des pistes de production.

A cela s’ajoutent la faiblesse des organisations, le déficit de communication et le manque de pérennisation des actions entreprises par l’Etat. De ce fait, les groupements mettent en place des stratégies qui permettent de fournir le minimum de services. C’est tout le paradoxe et parfois des problèmes d’adaptation des politiques d’accompagnement des éleveurs dans leurs besoins. Au-delà des actions entreprises par l’Etat, plusieurs partenaires interviennent dans la zone et des efforts sont notés dans l’accès à l’eau. Mais ces actions sont insuffisantes pour revaloriser le pastoralisme à Kolda.

Ramatoulaye Sow

Stagiaire du PRESA
Contact : ramzisow@yahoo.fr

Bibliographie :
-  Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane, 2013, Eléments de bilan du soutien public à l’élevage au Sénégal depuis Maputo.
-  Agence National de la statistique et de la Démographie, 2015 : Recensement Général de la Population de l’habitat, de l’Agriculture et de l’Elevage produit en 2013
-  Dia.N, 2009, Commerce et logique d’acteurs dans la région de Kolda au Sénégal : le cas du lait de vache
-  Magrin et al, 2011, l’élevage pastoral au Sénégal entre pression spatiale et mutation commerciale, note de synthèse n° 103.