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Des feuilles mortes pour redonner vie à la terre : l’expérience de Tani Lankoandé

Dans les pays du Sahel, le changement climatique est de nos jours l’une des principales contraintes auxquelles font face les agriculteurs et agricultrices. Mais ce phénomène est aussi pour ces derniers une source d’inspiration intarissable. Çà et là, on recense des agriculteurs et agricultrices qui, pour s’adapter à un environnement de moins en moins propice à l’activité agricole, font appel à leur esprit créatif. Ils mettent en place des innovations à partir de leur observation, à partir de connaissances endogènes et en utilisant des matériaux locaux. Des innovations qui, progressivement, changent leur vie et créent un impact dans leur communauté. Cet article partage l’expérience de Tani Lankoandé.

Tani Lankoandé, une agricultrice d’une trentaine d’années,ne peut s’empêcher d’afficher un sourire quand elle parcourt son champ à maturité. C’est presque inespéré de produire autant de sorgho, de niébé et d’arachides sur cette terre aussi dégradée, à Sagadou dans l’une des zones les plus arides dans la région de l’Est au Burkina Faso. Les récoltes s’annoncent bonnes. Mais Tani Lankoandé doit cette prouesse à son imagination créative d’où est sortie la technique des feuilles mortes pour régénérer le sol et amortir les effets néfastes des changements climatiques. Pendant la saison sèche, Tani Lankoandé ramasse les feuilles mortes des arbres qu’elle entasse dans son champ en prenant le soin de les mélanger avec de la cendre. Après les premières pluies, l’agricultrice étale les feuilles déjà en étant de décomposition dans son champ avant de labourer. Une technique qui s’avère payante.

Utiliser des feuilles mortes d’arbres comme engrais, l’agricultrice,Tani Lankoandé, explique sa recette dans une entrevue et article publié par Inoussa Maïga : « Je suis partie d’un simple constat, les résidus de feuilles mortes charriées par les eaux de pluies enrichissent le sol par endroits. Je collecte donc les feuilles mortes, que je dispose par petits tas dans mon champ tout en prenant le soin d’y ajouter de la cendre. Cela évite que les termites n’attaquent mes tas de feuilles mortes et surtout que le vent de l’harmattan les emporte. Puis j’attends les premières pluies pour répandre cette matière sur toute la superficie du champ.
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Passée cette étape, ce sont les labours à la charrue et tout ce qui s’en suit pour que les plans croissent normalement ». Mais il ne s’agit pas des feuilles mortes de n’importe quel arbre. Tani Lankoandé explique qu’elle sélectionne les feuilles qui se décomposent le plus vite comme celles des épineux et des légumineux. Les feuilles de karité, elle les évite car celles-ci se décomposent très lentement.
Tout au long de la campagne agricole, l’agricultrice constate une nette différence entre les plants de la partie de son champ où elle a pu mettre les feuilles mortes et les plants de la partie où elle n’a pas pu mettre les feuilles mortes.

Au début, Tani Lankoandé était presque seule. Son mari, lui donnait un coup de main de temps en temps sans pour autant en être convaincu. « Je reconnais que quand ma femme a entrepris cette pratique, j’étais perplexe et pessimiste. Mais aujourd’hui je suis plus que fier d’elle. Elle a inspiré beaucoup de cultivateurs dans les environs qui l’imitent et les résultats sont probants », confie Paul Lankoandé, époux de Tani. Grâce à la technique des feuilles mortes, Tani Lankoandé est parvenue à améliorer considérablement ses rendements. Des résultats qui ont convaincu bien d’autres agriculteurs à adopter la technique. Fatimata Ouoba est de ceux-là. Elle témoigne : « Nous voyons que dès la saison sèche, Tani commence à rassembler les feuilles mortes et à les disposer sur son champ et quand débute la saison pluvieuse, son champ se présente bien et elle obtient de meilleures récoltes que nous. Alors on a suivi son exemple et nous ne le regrettons pas. »

A travers cette expérience, Madame Tani Lankoandé apporte une nouvelle preuve que les techniques agro-écologiques, appliquées avec détermination et ingéniosité permettent d’augmenter la productivité dans le court terme et aussi d’améliorer le sol progressivement. Ce qui conduit à un système de production plus résilient et à la portée de tous, particulièrement les plus démunis.

La Foire internationale de l’innovation paysanne, une plateforme de valorisation du savoir paysan

Les 15 et 16 mai 2015 s’est tenu à Ouagadougou au Burkina Faso la Foire de l’innovation paysanne en Afrique de l’Ouest (FIPAO ) avec le soutien du PROLINNOVA/PROFEIS, les partenaires du Misereor en Afrique de l’Ouest, des coordinateurs des AgriHubs de l’AgriProFocus, le Collaborative Crop Research Program (CCRP) de la Fondation McKnight en Afrique de l’Ouest, le Programme de Recherche du CGIAR sur le Changement Climatique, l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire (CCAFS Afrique de l’Ouest), et les partenaires de la Direction du Développement et de la Coopération (DDC–Suisse). Cette foire a fait suite à un atelier francophone sur les Approches de Recherche et du Développement par et avec les Paysans Producteurs qui a eu lieu du 12 au 14 mai 2015 à Ouagadougou .

La FIPAO a permis de présenter des innovations paysannes identifiées par différents partenaires et des organisations nationales de producteurs. Cette foire a été aussi l’occasion de mettre en évidence le grand potentiel des producteurs pour la recherche agricole et le développement rural jusque-là largement sous-exploité et parfois ignoré. Dans le cadre de cette FIPAO, le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA) a soutenu la documentation par la vidéo des innovations paysannes en adaptation au changement climatique. A la suite d’un appel à manifestation portant sur les innovations paysannes qui contribuent à faire face aux effets des changements climatiques, trois expériences du Burkina Faso (l’innovation de Mme Tani Lankoandé) , du Mali et du Sénégal ont été retenues pour faire l’objet de documentation vidéo. Puis vidéastes, paysans innovateurs, organisations locales d’appui aux paysans et d’autres parties prenantes ont discuté sur les scénarios et défini ensemble une démarche de production des vidéos .

Gabriela Quiroga et Ingrid Flink

Equipe Internationale d’Appui PROLINNOVA
http://prolinnova.net/
Bourgou Tsuamba
Association Nourrir sans Détruire (ANSD), Burkina Faso ;
Fatoumata Batta
Groundswell International
http://www.groundswellinternational.org/
Inoussa Maïga –
Association Burkinabè des Journalistes et Communicateurs Agricoles (ABJCA)
https://abjca.wordpress.com
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