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Guinée : faire des organisations paysannes des artisans de la lutte contre la pauvreté en milieu rural

En Guinée, une nouvelle approche dans l’encadrement et l’appui au monde paysan permettant leur participation à l’ensemble du processus de mise en œuvre de leurs activités a été expérimentée avec, en prime des résultats assez élogieux sur les capacités réelles des Organisations paysannes à prendre en main leur développement.

Faire des organisations paysannes de Guinée de véritables artisans de la lutte contre la pauvreté en milieu rural, capables de répondre durablement aux défis de l’insécurité alimentaire. L’idée, Il y a quelques années, semblait hors de propos ; car, l’essentiel des activités en milieu rural étaient soumis à l’exécution de projets dont ils n’étaient pas directement porteurs ; et dont ils ne maîtrisaient pas tous les mécanismes. De la formulation de leurs besoins à leur mise en œuvre, en passant diverses activités incluses (planification et suivi, contractualisation avec des prestataires de services, formation, etc.), les paysans restent désormais maîtres de leur développement.

C’est que, depuis plusieurs années, les projets et programmes de développement mis en place dans le cadre de l’amélioration des revenus des paysans et de la lutté contre l’insécurité alimentaire en Guinée ont été bâti sur des expériences externes, inconciliables avec le vécu, les pratiques et les exigences du monde paysan.

Cette situation, de mise jusqu’à la fin de la décennie 2000, a eu comme conséquences l’augmentation du niveau de pauvreté dans les zones rurales, l’accroissement de la vulnérabilité des paysans et une insécurité alimentaire aggravée par les aléas du climat. Une telle réalité contraste avec les énormes potentialités hydro agricoles dont dispose la Guinée.

En effet, avec des sols riches, une pluviométrie abondante pendant une grande partie de l’année et des ressources hydrauliques quasi-inépuisables, pour pallier au manque d’eau en saison sèche, le potentiel de la productivité agricole en Guinée est considérable.

Malgré cette réalité, que de difficultés sont rencontrées par les agriculteurs. De nombreux obstacles expliquent cet état de fait : absence de mécanisation de l’agriculture, faible accès aux intrants de qualité, manque d’information sur les techniques cultures modernes, problème d’encadrement…A cela s’ajoute, pêle-mêle le manque d’accès aux crédits pour financer les campagnes agricoles, l’absence d’infrastructures de production et de transformation, l’excentricité des zones de production par rapport aux marchées,. Par ailleurs, le plus le taux d’analphabétisme en milieu rural ne favorise guère leur adaptation dans les exigences que pose une agriculture moderne et de qualité.

La pauvreté est beaucoup plus présente dans les zones rurales. En effet, les données officielles illustrent mieux le niveau de vulnérabilité et de pauvreté auquel les paysans en milieu rural sont soumis. Selon les statistiques, au moins 67% des Guinéens, jusqu’en 2008, vivaient en milieu rural. La grande majorité pratique une agriculture de subsistance sur de petites parcelles. En ses zones, parfois enclavées, la pauvreté se ressent durablement sur les jeunes et les femmes. Parmi ces ruraux (67%), plus de la moitié (63%) sont affectés par la précarité, contre 30% dans les centres urbains.

De nombreux facteurs expliquent cette situation de précarité : manque d’informations des paysans sur les techniques et pratiques culturales adaptées,
Penser un nouveau mécanisme d’appui-accompagnement des paysans

Grâce à l’appui de bailleurs de fonds et du Gouvernement, la Guinée s’est dotée, depuis 2008, d’un Programme novateur en matière d’appui et d’encadrement des organisations paysannes. Celui-ci s’affirme certes comme est une innovation, en regard de la forte participation des bénéficiaires à la conception, la mise en œuvre et le suivi de leurs activités ; mais, surtout, il repose sur une stratégie visant à transférer la maîtrise d’ouvrage du Programme aux organisations paysannes.
Formulée dans le cadre de la nouvelle stratégie d’intervention du FIDA en en Guinée, ce Programme repose fondamentalement sur le principe que, pour mieux répondre aux défis que pose l’insécurité alimentaire, la vulnérabilité et la pauvreté en milieu rural, les bénéficiaires devaient être impliqués, au plus près, dans le processus d’identification, de formulation et d’exécution de leurs propres activités.

Les paysans maîtres de leur destin

La démarche innovante du (Le Programme National d’Appui aux Acteurs des Filières Agricoles) PNAAFA, différente de la mise en œuvre classique des projets, est un gage de réussite. Elle a permettra à terme de renforcer la professionnalisation et l’autonomie des organisations paysannes afin d’en faire de vraies acteurs de filières agricoles, capables d’améliorer les services rendus à leurs membres et de mieux lutter contre la pauvreté. Dans ce contexte, le PNAAFA apporte appui et encadrement sur plusieurs niveaux : formations, approvisionnement en intrants, encadrement, appui-accompagnement, etc.
Processus concerté de planification. Le processus de planification, validation et exécution des activités des OPA, implique la participation des organisations paysannes à l’élaboration du Plan de Travail et Budget Annuel (PTBA). L’objectif est d’assurer une meilleure participation de ces acteurs majeurs afin de renforcer l’efficience du projet mais aussi de renforcer les capacités des acteurs. Ce processus s’opère en plusieurs étapes.

En premier lieu, le Programme supervise l’organisation des ateliers rassemblant tous les acteurs le long de la chaîne de valeur – producteurs, prestataires techniques, commerçants et même restaurants, à l’effet de recenser et discuter de leurs besoins. Ces sont rencontres, tenues dans le cadre d’ateliers dits filières et permettent de formuler, pour chaque organisation évoluant dans une filière un plan de travail et de budget annuel.

Les résultats de ces ateliers sont ensuite repris au niveau régional – où les activités nécessaires au développement de chaque filière sont identifiées.
A l’issue de ces concertations, des plans de travail pour chaque OPA sont élaborés et soumis, à consolidation, au niveau régional, puis national par la tenue de session du Comité de pilotage.

Outre qu’il permet de prendre en compte l’ensemble des préoccupations des acteurs impliqués, ce processus permet d’adapter les besoins réels aux contraintes de terrain. Ces ateliers sont aussi des cadres par excellence de partage d’expériences et d’initiatives entre les organisations paysannes
Produire plus et en qualité pour assurer la sécurité alimentaire et augmenter les revenus

Grâce à cette démarche participative et inclusive, les organisations de producteurs soutenus par le PNAAFA ont vu leur rendement nettement s’améliorer ces deux dernières années. L’accroissement des rendements agricoles enregistrés ces deux dernières années par des organisations de producteurs soutenus par le PNAAFA, trouve sa justification dans l’introduction de nouvelles techniques culturales et d’intrants de qualité, un encadrement plus systématique des paysans, la formation des paysans, etc.
Sur ces deux dernières années le volume de rendement à l’hectare des spéculations comme la pomme de terre, le mais, l’oignon ou encore le riz ont augmenté de manière substantielle.

Le PNAAFA comprend plusieurs aspects novateurs en Guinée parmi lesquels : i) confier directement la maîtrise d’œuvre des activités aux faîtières paysannes, contrairement à l’approche plus classique de recours aux prestataires de service privés ou associatifs ; ii) développer au sein des OPA des capacités d’appui conseil ; iii) institutionnaliser le dialogue entre acteurs des filières ; iv) intégrer une stratégie de gestion des savoirs, qui sera mise en œuvre par la CNOP-G et l’UNC, et ceci en étroite collaboration avec les autres projets du FIDA et FIDAFRIQUE ; v) améliorer l’accès aux intrants, à travers la mise en place d’un mécanisme de financement au sein des OPA ; vi) faciliter l’accès du groupe cible aux crédits pour l’acquisition des équipements (à travers le Guichet 2 des ASF).

Le PNAAFA : Un partenariat fécond avec l’Etat et les OP

Le Programme National d’Appui aux
Acteurs des Filières Agricoles (PNAAFA)
a pris en compte des leçons des projets
achevés et en cours du FIDA et de ses
partenaires en Guinée et dans la sousrégion.
Le PNAAFA est bâti sur un partenariat
fécond entre le Gouvernement
et les organisations paysannes (OPA)
membres de la Confédération Nationale
des Organisations paysannes de Guinée
(CNOP-G). Il est principalement orienté
sur le développement des filières agricoles
à fort potentiel économique et
accessible au petit paysan
Le partenariat est assis autour d’une
collaboration avec les OPA, qui sont des
structures pérennes, représentatives
de la base paysanne. Cette base agit
comme maîtresse d’oeuvre déléguée.
Le PNAAFA appuie le renforcement des
OPA dans le domaine technique, commercial,
et organisationnel et constituera
un moyen privilégié de pérennisation
des acquis. Cette option stratégique est
plus à même de garantir une durabilité
et une appropriation des actions après
la phase de financement.

Des résultats encourageants

Les résultats probants obtenus jusqu’en
septembre 2012 dans les filières pomme
de terre, riz, maïs palmier à huile et hévéa
sont les suivants : (i) 6 500 paysans
formés dans les domaines techniques,
(ii) une demande forte pour l’alphabétisation
avec 1 630 personnes formées ;
(iii) la multiplication de semences pour
12 100 paysans ; (iv) l’importation par
une fédération des semences pour 120
000 palmiers et 100 000 hévéa, de 255
tonnes de semences de pomme de
terre ; (vii) la mise en place de 25 pépinières
et un centre de formation par une
fédération ; (viii) l’importation de 304
tonnes d’engrais par une fédération, sur
la base d’un crédit commercial ; (ix) le
pilotage des mécanismes de financement
des filières avec la création des
fonds de garantie par les fédérations sur
la base des dotations en intrants ; (x) le
partenariat direct entre les fédérations/
unions et les services étatiques au niveau
local, notamment pour l’encadrement
de 17 000 paysans ; (xi) les instances
de concertation avec les acteurs
des filières pomme de terre, riz, huile de
palme, oignon, organisées par les fédérations
paysannes ; (xii) la construction
de 15 magasins de stockage et mise à
disposition des équipements de transformation ;
(xiii) l’aménagement de 250
ha de bas-fonds, la réhabilitation de 285
km de pistes ; (xiv) un modèle d’appui
institutionnel, basé sur des conseillers
de zone qui sont des cadres de l’organisation
paysanne ; (xv) l’élaboration des
modules de formation en gestion fiduciaire
et passation de marchés pour accompagner
les fédérations paysannes,
(xvi) l’élaboration du premier Diagnostic
institutionnel participatif des fédérations
membres avec comme résultat une
typologie des fédérations et un plan
de renforcement des capacités de ces
fédérations en fonction de leur niveau
de maturité.

Souleymane Diallo
PNAAFA-Guinée

Apprentissage permanent : Ces paysans alphabétiseurs de Timbi Madina

L’alphabétisation des jeunes et des femmes en milieu rural a été perçu très tôt comme une des voies d’accès à la performance et la professionnalisation des organisations paysannes. Les associations de producteurs ainsi que les commerçants sont conscients du fait que lire, comprendre et compter est fondamental pour constituer des groupements forts, fonctionnant comme de vraies entreprises. Sur ces considérations, ces associations ont formulé de nombreux besoins en matière de formation. Les formations dispensées sont destinée à renforcer les capacités des organisations professionnelles à mieux assumer leurs rôles et responsabilités.

Ainsi, pour faire de l’apprentissage continu un moyen de vulgariser les bonnes pratiques agricoles et renforcer la performance des organisations paysannes, une association de producteurs la Fédération des paysans du Foutah Djallon (FPFD), forte de quelque 30 000 membres a lancé voilà plusieurs années une opération destinée à vulgariser les savoirs et acquis locaux par un apprentissage continu. L’expérience porte le nom de Centre d’Alphabétisation. Mais plus que des lieux d’apprentissage, ces centres constituent de véritables espaces de partage et diffusion de l’excellence.

Les centres d’alphabétisation ont décuplé ces deux dernières années, grâce à l’appui du PNAAFA. Les principaux villages où évoluent des producteurs membres de la FPFD ont été dotés de centre d’alphabétisation. Les bénéficiaires sont formées à l’alphabétisation fonctionnelle, à la comptabilité de base et aux techniques agricoles améliorées. L’effet des formations sur les membres s’accroit au moyen de séances de restitution organisées par les bénéficiaires initiaux.

Souleymane Diallo
Chargé de la communication, Gestion des Savoirs et
Visibilité (Unité de Coordination du PNAAFA/FIDA- Guinée) - sooldia@yahoo.fr ; sooldia@pnaafa-guinee.org