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Maitrise de l’eau et sécurité alimentaire : Mise en place d’un système d’exhaure en énergie solaire au niveau de la ferme pilote agro-écologique de Ndiob dans la région Fatick au Sénégal

Cet article met en exergue l’expérience du système d’exhaure en énergie solaire photovoltaïque au niveau de la ferme pilote agro-écologique de Ndiob dans le département de Fatick. Il montre comment l’utilisation de l’énergie solaire permet-elle de disposer d’un système d’exhaure dans la ferme de Ndiob ? Comment le système fonctionne-t-il ? Avec quels acteurs ? Quels sont les effets induits par cette innovation ?

La région de Fatick est sillonnée par de nombreuses vallées inondables en hivernage et qui occupent environ 384 236 ha (soit plus de la moitié de la superficie de la région). Les vallées mortes représentent ainsi des potentialités dont l’exploitation à des fins agro-pastorales pourrait permettre l’augmentation substantielle des productions et des revenus des producteurs.

L’aménagement des bas-fonds constitue actuellement un enjeu important et un levier sur lequel il faut actionner pour le développement agricole et pastoral de la région. En effet, la maîtrise partielle ou totale des écoulements hydriques permet le développement des cultures dans certaines zones et leur intensification dans d’autres.

L’exploitation rationnelle des eaux souterraines au niveau des vallées mortes du Sine constitue également une alternative pour accroître les revenus des populations de la région. En effet, l’eau est l’élément clef pour une augmentation et une sécurisation de la production agricole et la réduction de la pauvreté des populations des zones rurales du Sénégal en général et des populations rurales de la région de Fatick en particulier.

Malheureusement, jusqu’ici, les politiques de maîtrise de l’eau se sont orientées vers les grands périmètres irrigués. Il est actuellement admis qu’il ne suffit plus de considérer seulement ces grands périmètres qui sont gérés par des organisations centrales, mais qu’il faut accorder plus d’attention et investir davantage dans d’ autres systèmes qui permettent l’accès à la ressource eau à toutes les couches comme par exemple l’irrigation à petite échelle par la collecte des eaux de ruissellement, l’exploitation des eaux souterraines à des fins agricoles par un système d’exhaure innovant, notamment l’utilisation de l’énergie solaire pour la maitrise de l’eau productive.

La vallée de Ndiob, un site à fort potentiel agricole

La vallée du Sine couvre une distance d’environ 250 km, allant de la région de Louga (sud du département de Linguère) à la région de Fatick (département de Fatick) en traversant la région de Diourbel (départements de Mbacké et de Diourbel).

La zone d’implantation du projet porte sur la vallée du Sine dans sa portion située dans le département de Fatick abritant ce qu’on appelle la Vallée de Ndiob. La vallée est située dans le département de Fatick, arrondissement de Diakhao, Commune de Ndiob. Cette vallée a une longueur de 16 km, une largeur de 1,5 km et une superficie de 24000 Ha environ. Cette vallée polarise six (06) villages (Banghadj, Ndiob, Ngalagne, Bacco Mboytolé, Bacco dior, Bacco Sérére).

Les bas-fonds de la zone de Ndiob se situent dans une zone d’alluvions fluviales sur vallées fossiles avec des dépôts lacustre qui sont des formations du quaternaire. Les zones des bas- fond sont en perpétuelle transformation liée d’une part aux effets d’accumulation des débris et matériaux drainés par le lit mineur, ce qui contribue à mieux fertiliser le sol. Mais l’inconvénient est que le lit mineur apporte en même temps du sable ce qui contribue à l’ensablement des bas- fonds.

Ce sol est très apte au maraîchage aussi bien du point de vue caractéristique physique, chimique que biologique. Toutefois, il faudra améliorer sa capacité de rétention en eau par des apports de fumures organiques et des amendements chimiques.

La nappe phréatique connait une tendance à la baisse à cause de la réduction de la pluviométrie. Il faut noter que cette nappe est superficielle et se situe à 7 m au niveau des bas-fonds, tandis qu’elle est à 15 à 20 m au niveau du plateau continental. Alors, pour développer l’activité maraichère, il est important de disposer d’un système d’exhaure performant car le système manuel ne permet pas de faire de grandes productions agricoles.

Divers acteurs engagés dans une stratégie innovante

Les acteurs du Projet sont l’ex-Conseil Régional de Fatick, en collaboration avec le Programme (Approche territoriale du Changement Climatique-TACC) et la Commune de Ndiob. Les promoteurs ont ainsi commencé par définir des critères pour le choix des bénéficiaires directs. Ainsi, la priorité est donnée aux victimes de l’exode rural et qui souhaiteraient retourner dans leur terroir pour exercer le maraîchage. Parmi ces critères, il fallait que le bénéficiaire :
• soit originaire d’un des villages de la Commune ;
• ait une certaine expérience du maraîchage ;
• ne dispose pas déjà d’une parcelle dans la vallée.
Sur la base de ces critères une sélection de 100 bénéficiaires a été faite et validée par arrêté de l’ex-Président du Conseil Rural. Chaque bénéficiaire dispose d’une parcelle de 500 m² chacun (20x25m). Le système d’exhaure solaire permet d’avoir une source d’eau substantielle de 400 m3 d’eau pour le projet.
Le fonctionnement de la ferme pilote agro-écologique est basée sur les expériences acquises au niveau d’autres sites de la Région, notamment le système d’irrigation au goutte-à-goutte de type familial installé à Keur Ousseynou Dieng et le TIPA (Techno-agricultural Innovation for Poverty Alleviation) de Ngoyé Ndofongor.

Aujourd’hui, au niveau de la ferme de Ndiob, le Programme TACC a permis la réalisation de 4 puits, l’acquisition et l’installation de 5 electropompes solaires. Le Programme a mis à la disposition des bénéficiaires du projet des intrants agricoles constitués de 30 tonnes de matiéres organiques et des semences de choux, tomates, aubergines…

Avec le système d’exhaure fonctionnant à l’énergie solaire photovoltaïque, l’exhaure manuelle a disparu du site et les bassins ne prennent que 30 à 45mn de pompage pour se remplir.

Résultats attendus et quelques effets induits

Ce projet vise à renforcer le potentiel maraicher de la zone de Ndiob en améliorant les revenus des producteurs et lutter contre l’exode des jeunes vers les grands centres urbains par la mise en place d’une ferme agro-écologique équipée d’un système d’exhaure photovoltaïque. Les résultats attendus du projet sont de :
• renforcer et améliorer les compétences agricoles des fermiers ;
• améliorer les rendements des agriculteurs pour une augmentation des revenus ;
• adapter les cultures au territoire par des expérimentations ;
• promouvoir la culture maraîchère pour assurer une autosuffisance alimentaire.

Le système d’exhaure photovoltaïque solaire qui a été installé en mai 2015 a déjà permis d’avoir les effets induits suivants :
• le périmètre maraicher de Ndiob est occupé et valorisé par les paysans de la Commune de Ndiob ;
• les productions d’aubergines, d’oignons et de tomates ont augmenté par rapport à la situation d’avant les motopompes solaires.

« Avant l’installation des motopompes solaires, c’est à la main que je tirais l’eau des puits pour remplir les bassins, cela me prenait entre 2 et 3 h de travail pour remplir le bassin, ensuite une bonne heure pour arroser mes plants avec les arrosoirs que je remplissais en les plongeant dans le bassin. Aujourd’hui, il me suffit de mettre le contact et d’attendre que le bassin se remplisse. Ce qui m’a permis d’augmenter les superficies emblavées et ma production » ; Selon le témoignage du producteur Cherif Moulaye.

• le projet a permis aussi de favoriser la culture biologique, de sensibiliser les agriculteurs au respect de l’environnement et de promouvoir les énergies renouvelables ;
• il a aussi permis de sensibiliser les agriculteurs sur la nécessité d’économiser l’eau par des moyens techniques mais aussi éviter la dégradation de la qualité des nappes phréatiques (arrosage goute à goute).

Pour une réussite des actions

La mise en œuvre de ce projet et sa réussite dépend principalement de :
• la forte motivation des populations car les parcelles maraichères disposant du système d’exhaure solaire constituent une innovation et valorisent le travail des bénéficiaires ;
• l’organisation des bénéficiaires qui ont opté pour une agriculture biologique en bannissant l’utilisation des pesticides et des engrais chimiques ;
• les familles disposent de terres qu’ils peuvent mettre en valeur pour améliorer leurs revenus sur la base d’une délibération de la mairie ;
• la maitrise de l’eau productive avec la mise en fonctionnement des motopompes solaires ;
• l’encadrement des bénéficiaires par les services techniques, notamment le Service Départemental du Développement Rural et l’ANCAR qui sont bien accompagnés pour obtenir de meilleurs rendements ;
• la pérennisation des acquis du projet à travers un fonds pour le développement de la vallée du Sine qui est alimenté par une partie des ventes issues de la production.
Cependant, certains facteurs de risque sont à considérer. Il s’agit entre autres :
• la cherté des équipements solaires et la difficulté d’assurer la maintenance et la disponibilité des pièces de rechange ; d’où la nécessité d’impliquer d’autres partenaires au développement ;
• Certains bénéficiaires sont tentés d’utiliser les fertilisants chimiques pour accroitre leurs productions ;
• En cas de mauvais hivernage, les nappes d’eau ne se chargeraient pas assez, ce qui entrainerait une difficulté dans l’approvisionnement en eau pour les cultures maraichères.

Mamadou Ndong TOURE

Géographe

Chargé de Programme Changement Climatique

Email : ndongtoure@gmail.com