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Niger : La Coopération luxembourgeoise insère des jeunes ruraux dans des filières agricoles

Dans la région de Dosso, au Niger, une stratégie a été développée par la Coopération luxembourgeoise pour installer durablement les jeunes dans des filières agricoles porteurs. L’expérience s’appuie sur la formation, le conseil agricole, l’accès crédit et sur un partenariat multi-acteurs. Cette démarche a permis d’orienter des centaines de jeunes dans l’agriculture.

Le Programme d’appui du développement agricole durable a pour objectif d’augmenter les opportunités économiques pour les jeunes de la région de Dosso et s’inscrit dans les principes directeurs de l’Initiative 3 N (Les Nigériens nourrissent les Nigériens) telle que la régionalisation et dans les problématiques considérées par le Plan de développement régional (PDR) 2016-2020. Il cible plus particulièrement les jeunes de moins de 35 ans qui représentent une réelle opportunité pour le développement du secteur de l’agriculture.

Le développement économique des filières agricoles à travers les jeunes de la région de Dosso et des outils de soutien public mise en œuvre dans le cadre de l’I3N constitueront la ligne de cohérence de l’intervention. Cette ligne de cohérence se traduit par le concept de « jeune agriculteur, un métier de valeur ». L’objectif consiste à promouvoir les métiers liés à l’agriculture chez les jeunes ruraux, notamment grâce :
• à la prise en compte de leur vision, jeune mais lucide dans le développement du secteur ;
• à la mise en valeur de leur dynamisme dans l’apprentissage, le réseautage et l’innovation ;
• aux opportunités d’installation ou d’emplois directs et connexes ;
• à la reconnaissance du professionnalisme du secteur.

Contexte

L’appui luxembourgeois, qui porte sur une durée de 51 mois (01/10/16 – 31/12/20) avec une contribution de 13 400 000 EUR, est aligné sur la politique sectorielle du développement rural à savoir la Stratégie I3N. Il vise à mettre la population nigérienne à l’abri des famines récurrentes, lui garantir les conditions d’une pleine participation à la production nationale et améliorer son revenu. La mise en place du FISAN (Fonds d’Investissement pour la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle) est inscrite dans cette stratégie avec comme but l’installation et la réussite des jeunes promoteurs dans les métiers des filières agricoles sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et de l’Élevage (MAG/EL).

Les objectifs du FISAN : (i) mettre plus de cohérence dans les mécanismes de financement de l’agriculture (il y a notamment de nombreuses modalités de financement parallèles) et (ii) disposer d’un ensemble de directives appliquées par les PTF.
Le FISAN dispose de trois facilités :

  1. soutien au financement agricole pour investissement privé (crédit agricole) à travers les institutions financières et de microfinances ;
  2. financement des investissements structurant publics à travers le dispositif de l’ANFICT (Agence nationale pour le financement des collectivités territoriales) ;
  3. financement du conseil agricole à travers le dispositif de l’APCA (Agence nationale du conseil agricole) en construction et qui sera opérationnel après 2020.

Une approche mutualisée avec d’autres partenaires techniques et financiers (PTF) est développée : (i) le programme gère des fonds de la coopération suisse dans le cadre du crédit agricole et (ii) la coopération suisse gère des fonds luxembourgeois dans le cadre d’un appui à la structuration du FISAN.

L’outil financier pour la facilité 1 et 2 n’est pas encore en place : le FISAN s’appuie sur des dispositifs de financements existants : accords PTF-IF/IMF pour la facilité 1 et conventions de financement avec ANFICT pour la facilité 2. Les textes du FISAN ont été adoptés par le gouvernement en août 2017. La mise en place d’un fond physique est prévue pour 2019.

Les bénéficiaires du programme sont les jeunes de 15 à 35 ans (50 % hommes, 50 % femmes).
Le programme vise 10 000 jeunes formés dont min. 10 % bénéficient d’une installation réussie à travers le crédit agricole. Les filières agricoles ciblées sont le maraichage, le riz et l’arachide/niébé.

Stratégie d’insertion des jeunes

L’appui au parcours des jeunes agriculteurs se réalise à travers trois activités notamment (i) la formation, (ii) le conseil agricole et (iii) l’installation à travers le crédit agricole.

-La formation

Les formations se réalisent deux fois par an selon les saisons culturales : en saison de pluies (juin à sept). : maraîchage, riz et arachide/niébé) et en saison sèche (oct. à février : maraichage, riz). Les formations ont démarré en saison des pluies 2017. Le Conseil régional (CR), avec l’implication des partenaires publics et privés, assure la mise en oeuvre des actions suivantes :
• élaboration des manuels de formation et traduction en compétences (APC) : manuels approuvés par la Direction régional de l’enseignement professionnel et technique (DREPT) et la Direction régionale de l’Agriculture (DRA) ;
• appel à proposition ouvert, lancé par le (CR) en début d’exercice, pour sélectionner les opérateurs en charge des formations et conseil agricole des jeunes. Les partenaires impliqués dans le choix des opérateurs sont : RC, Chambre régional de l’agriculture (CRA), DRA et DREPT.

30 opérateurs en moyenne sont opérationnels par saison dont 2/3 sont des organisations de producteurs (OP) et 1/3 sont des ONG. Un centre public (Centre de formation des métiers) a également été sélectionné.

Le Conseil régional, la CRA, la DRA et la DREPT, les municipalités et chefs de villages sont impliqués dans l’identification des jeunes cibles :
• En moyenne, il a été mis en place 100 centres par saison de formation (dont les sites intégrés de formation agricole (SIFA) appuyés par l’ONG Swisscontact). Environ 20 % sont des centres fixes (fixés géographiquement-disposent d’infrastructures) et 80 % temporaires (champs occasionnels) ;
• en moyenne 15 pensionnaires par centre, soit 1 500 jeunes par saison ;
• la formation des formateurs est assurée par CRA, DREPT, DRA et DRGR (Direction régionale du Génie Rural) pour les formations sur la production et par des prestataires privés pour des thèmes transversaux ;
• un contrat a été signé entre CR et les opérateurs pour une seule saison culturale ;
• distribution à chaque jeune sélectionné d’un « bon formation » (valeur 100 000 FCFA) à remettre au centre de formation de son choix ;
• l’avance de démarrage de formation est versée au prestataire par le CR sur présentation de 15 « bon formation » ;
• formation théorique mais surtout pratique des jeunes dans les centres de formation : formation de production végétale de minimum 135 heures sur la durée du cycle de production, formation sur thèmes transversaux de minimum 30 heures (gestion, transformation, commercialisation) ;
• évaluation pédagogique et technique à mi-parcours et final des opérateurs par le RC, la CRA, DRA, DRGR et DREPT ;
• élimination des opérateurs peu performants pour la saison de formation suivante ;
• attestation de formation délivrée par la DREPT.

Au cours de la saison des pluies 2017 et de la saison sèche 2017 -2018, 4 293 jeunes ont été formés. Les formations de saison de pluies 2018, auxquelles 1 883 jeunes participent, ont démarrés récemment. 53 % des jeunes formés ou en formation sont des femmes.

-Conseil agricole

L’appui/conseil des jeunes formés est assuré par les mêmes opérateurs en charge de la formation. L’activité se réalise après la formation (maraichage, riziculture) ou simultanément (arachide, niébé) et peut-être axée sur la production, la transformation ou la commercialisation. Le suivi-conseil sur la production concerne l’application des thèmes enseignés pendant la formation et à une durée minimum de 3 mois dans l’exploitation du jeune avec au moins une visite par semaine. L’élaboration d’un dossier de demande de crédit fait partie de l’activité et inclut une étude technique du projet au profit de la BAGRI.

Dans le domaine de la transformation et commercialisation, le suivi-conseil est de courte durée et se focalise sur la constitution des dossiers de demande de crédit.
Les activités dans le cadre du conseil agricole sont également sous financement de l’Accord de partenariat signé avec le Conseil régional et prévoient :
• formation des agents des opérateurs en charge de l’appui/conseil ;
• signature d’un contrat entre CR et les opérateurs pour une seule saison culturale ;
• distribution à chaque jeune demandeur d’un « bon conseil » (valeur 65 000 FCFA pour la production ou 30 000 FCFA pour le transformation ou commercialisation) à remettre au centre d’appui/conseil de son choix ;
• évaluation des prestations des opérateurs par le RC, la CRA et la DRA.

« A ce jour, 1 306 jeunes ont bénéficié de l’appui en conseil agricole, dont 68 % de femmes. »

Les points forts et les défis de l’approche formation et conseil sont présentés dans le tableau ci-dessous :

-Le Crédit agricole

Le Programme finance la subvention adossée au crédit agricole selon les directives du FISAN. 40 % de subvention est pris en charge par le programme, 7 % apport personnel du jeune et 53 % de crédit assuré par la Banque Agricole du Niger (BAGRI), pour des projets d’investissement agricole de jeunes agriculteurs avec un plafond maximal de 3 750 000 FCFA dans le domaine de la production, transformation et commercialisation des filières ciblées.
Les jeunes constituent un groupe particulièrement à risque en matière de crédit agricole avec des ressources limitées et un accès limité au foncier.
L’appui à la préparation des dossiers des jeunes est assuré par les opérateurs sous contrat avec le Conseil régional (cf. conseil agricole). Le système d’avis techniques fournis à la BAGRI par les opérateurs a amélioré la qualité technique des projets par rapport à 2016. Le contrôle de la matérialité des investissements est réalisé par la DRA et DRGR.
À ce jour, 552 projets portés par des jeunes ont été subventionnés depuis le début du programme donc 40 % sont portés par des femmes.

Défis :

• Recherche de solutions pouvant ajuster dans la mesure du possible les aspects de cautionnement bancaire et d’apport personnel (par exemple le nantissement des biens qui seront acquis à travers le crédit agricole, le cautionnement par les municipalités, mécanisme de réduction de l’apport personnel par l’application de thèmes en faveur de l’environnement, etc.) ;
• Participer à la mise en place d’un fonds de garantie bancaire (objectif du FISAN) : une consultance est en cours ;
• Poursuivre avec rigueur le contrôle sur les abus (surfacturations des investissements, détournement d’objectifs, qualité des investissements) ;
• Accompagner la BAGRI pour adapter le plus possible au milieu rural les procédures administratives de constitution des dossiers de demande de crédit.

La place de l’agroécologie

Le processus d’installation des jeunes ruraux est soutenu par la prise en compte des actions environnementales. À cet effet leurs formateurs reçoivent lors de leur recyclage des formations en ce sens notamment la confection des compostières, la préservation et la plantation d’arbres (espèces locales adaptées au milieu), l’utilisation des bio-pesticides. Pour ce faire, une convention a été signée avec la Direction régionale de l’environnement afin que celle-ci puisse assurer ces formations et surtout le suivi des jeunes une fois installés. Dès cette année (2018), toujours en collaboration avec cette direction, la notion de régénération naturelle assistée (RNA) sera diffusée afin de situer la pratique agricole dans un contexte agroécologique à travers des campagnes de sensibilisation et la mise en démonstration de parcs agroforestiers à travers la région.
Pour la culture de l’arachide et du niébé, il s’agira de la promotion de cultures associées de ces légumineuses avec la culture céréalière.
Pour le maraîchage, l’effort est mis sur la culture bio autant que possible, en utilisant exclusivement la fumure organique selon le milieu. Des mesures innovantes en matière d’utilisation efficiente et rationnelle des ressources hydriques sont vivement soutenues. Le programme prévoit à cet effet l’installation de plusieurs variantes d’irrigation telles que le goutte à goutte, le pompage solaire, le système haddari, l’utilisation de motopompes. L’objectif est de leur démontrer l’utilisation adéquate de l’eau pour l’irrigation.
Les jeunes qui désirent prendre un crédit adossé 40% de subvention auprès de la banque agricole du Niger bénéficieront d’un rabais de 2% sur leur apport personnel (5% au lieu de 7%) s’ils s’engagent en début de leur installation à prendre en compte au minimum deux mesures environnementales.

Michel Maricaux

Conseiller technique principal du Programme NIG/025
Contact : michel.maricaux@luxdev.lu