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OPINION : Ibrahima Seck « promouvoir l’agriculture biologique pour garantir aux populations une sécurité alimentaire et nutritionnelle durable. »

M. Seck est le coordinateur de la Fédération Nationale pour l’Agriculture biologique, une organisation membre du CNCR qui prône la souveraineté alimentaire à travers la production biologique, la consommation locale et la promotion d’une familiale durable. Il nous fait une analyse des enjeux de l’agriculture familiale face à la mondialisation et la libération des marchés. Il insiste sur les modèles d’agriculture et consommation qu’on devrait promouvoir dans des pays en développement comme le Sénégal.

L’Agriculture familiale se caractérise d’abord par sa finalité qui n’est pas le profit, mais la reproduction du groupe familial. Le groupe familial est très large le plus souvent car composé de plusieurs générations. Il doit non seulement répondre à ses besoins de subsistance par sa production, mais elle doit assurer à ses membres qui s’émancipent pour créer leur propre unité familiale de production et de consommation, les moyens en terre et en main d’œuvre nécessaire. Ces unités familiales de production et de consommation se regroupent le plus souvent en unités de résidences et sont organisées en communautés villageoises partageant le même terroir agricole et très homogènes sur le plan lignager ou ethnique. Cette homogénéité lignagère ou ethnique se traduit par une très grande solidarité entre les ménages agricoles.

L’accès aux ressources foncières et naturelles est quasi garanti à tous les membres du groupe mais aussi aux personnes accueillies par la communauté.

Il existe bien sur des différences sociales entre les individus et les familles dues à l’âge, au sexe, à la caste, à l’appartenance au groupe lignager fondateur du terroir. Des mécanismes permettent cependant de limiter les inégalités. Ces agricultures familiales, du fait de leur finalité et de la nécessité de réduire les risques climatiques et parasitaires, combinent toujours plusieurs activités économiques : cultures annuelles et pérennes, élevage, cueillette, chasse, pèche, activités non agricoles sur place ou par des migrations saisonnières. Ces combinaisons sont variables suivant les conditions agro-écologiques et les opportunités offertes sur place ou dans d’autres zones.

L ‘expérience montre que les industries de transformation et les sociétés de commercialisation jouent un rôle essentiel dans ce sens. Il leur appartient d’avoir une bonne connaissance des demandes des marchés et d’orienter les producteurs. C’est aussi dans les segments de la transformation et de la commercialisation que se réalisent de plus en plus les plus-values.

Quel modèle d’agriculture ?

Le libéralisme et la mondialisation véhiculent, à travers les politiques d’ajustement structurel, les Accords de l’OMC, mais aussi, on l’oublie souvent, le traité de l’UEMOA, deux modèles qui peuvent mettre en cause ou marginaliser l’agriculture familiale.

Le modèle agro-industriel occidental est à la veille d’une révolution technologique. La combinaison des biotechnologies, de l’informatique et des techniques de positionnement par satellite vont permettre de conduire une entreprise agricole comme une usine.

Les nouvelles variétés contenant des OGM (organismes génétiquement modifiés) vont permettre un accroissement des rendements importants, mais avec des conséquences lourdes sur la vie et sur l’environnement.
Les expériences de ce qu’on appelle l’agriculture de précision confirment qu’il sera possible demain d’automatiser la plupart des travaux culturaux dans les grandes fermes.

Les agricultures familiales risquent d’être encore marginalisées.
Pour définir sa politique agricole à long terme, le pays a besoin d’une réflexion sur les modèles d’agriculture qu’il souhaite promouvoir et sur la place et l’importance de chaque modèle.

Quel modèle de consommation ?

Le modèle véhiculé par les politiques de libéralisation et de mondialisation, c’est le modèle de consommation occidentale sous l’impulsion de l’agro-indusrie et des multinationales. De plus, on voit qu’il n’est pas généralisable à l’ensemble de la planète, que c’est un modèle fait pour le milliard de consommateurs des pays occidentaux. Les inégalités entre riches et pauvres et entre pays développés et pays sous développés n’ont jamais été aussi grandes. En laissant le seul marché régir l’économie, on ne fera qu’agrandir le fossé. Il y a donc des choix politiques à faire.

Le Sénégal ne peut à lui seul changer le cours des choses, mais il a au moins l’obligation d’y contribuer. Pour les organisations paysannes, c’est d’abord au niveau national qu’il faut se battre pour convaincre l’ensemble de leurs partenaires que l’agriculture familiale a de l’avenir et qu’elle peut apporter sa contribution au développement national. Sans un consensus sur ce plan, il sera difficile de mobiliser une majorité en faveur d’une transformation de cette agriculture familiale. Les O.P. ne pourront pas réussir cette majorité sur la base de leur seul discours. Il leur faut développer une connaissance et une réflexion propre, mais aussi se doter d’une expertise capable de les appuyer dans ce sens.

Il leur faut aussi pousser l’Etat à développer les alliances et les solidarités sous-régionales et internationales pour défendre ces idées.

Le contexte actuel de la mondialisation impose une compétition sans merci, il faut donc une mobilisation optimale pour développer nos propres ressources. Le succès de ceux qu’on appelait les dragons découle avant tout de la prise en compte de cette exigence.

Bien que les habitudes alimentaires sont difficiles à changer, nous espérons que la crise actuelle et la chute du pouvoir d’achat des populations accompagnées d’une bonne dose de sensibilisation , de réalisme et de bon sens conduiront de plus en plus les consommateurs vers une redécouverte des produits locaux, les céréales en particulier et de leurs vertus d’autant plus qu’on note de plus en plus des esquisses de changements si timides soient telles.

Les producteurs agricoles, les transformateurs et promoteurs locaux pourraient gagner des marchés dans ce secteur.

Pour la promotion d’une agriculture familiale durable pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle

L’agriculture familiale durable est un système agricole qui met l’accent sur une gestion rationnelle des ressources naturelles (utilisation, conservation, renouvellement des sols, des eaux, des forêts, de la biomasse, des ressources halieutiques et animales). Elle cherche à collaborer avec la nature, au lieu de la dominer. L’agriculture durable pousse à une forte intensification des systèmes agricoles, combinée à une forte diversification des productions végétales et animales.

L’agriculture familiale durable met l’accent sur la diversité biologique et l’association des cultures. Elle s’appuie sur les connaissances traditionnelles des populations, mais s’enrichit de techniques et de technologies modernes qui limitent les intrants externes. A la place des engrais et des pesticides chimiques de synthèse, l’agro-écologie utilise l’ensemble des énergies renouvelables et des matériaux biodégradables disponibles dans le milieu, pour la fertilisation des sols et utilise la lutte naturelle et intégrée dans le contrôle des parasites des cultures.

La production d’aliments sains est au cœur d’une nutrition exemplaire et participe à la santé des populations. Ainsi, l’agriculture biologique doit être favorisée davantage par les Etats en général et ceux Africains en particulier pour garantir aux populations une sécurité alimentaire et nutritionnelle durable.

Ibrahima SECK

Coordinateur de la FENAB

iseck@yahoo.fr