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Faciliter l’accès aux facteurs de production pour renforcer la résilience des exploitations familiales : l’expérience novatrice du PAFA dans le Bassin arachidier, au Sénégal

Au Sénégal, les activités économiques en milieu rural et particulièrement dans le Bassin arachidier sont dominées par la production agricole, principale source de revenus des populations. Avant l’arrivée du Projet d’Appui aux Filières agricoles (PAFA), les exploitations familiales évoluaient dans un environnement socio-économique difficile : dégradation des terres, faible diversification des activités, accès insuffisant aux intrants et aux matériels agricoles etc. Une situation qui avait fini par habituer les petits producteurs et productrices à de longues périodes de soudure et à l’exode massif des forces vives des terroirs villageois vers les centres urbains. À travers la mise en œuvre de sa composante « Diversification agricole et Accès au marché », le PAFA appuie la production et la commercialisation au profit des ménages vulnérables à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle et met en place un dispositif de contractualisation entre les organisations de producteurs (OP) et les opérateurs de Marché (OM).

Dans le cadre de cette mise en relation, l’OP s’engage à livrer à temps une production déterminée répondant à des critères de quantité et à des normes de qualité spécifiées dans un cahier de charges, et l’OM à acheter cette production selon des modalités et un prix dont les mécanismes de fixation sont précisés à l’avance.

Toutefois, pour satisfaire aux exigences contractuelles, les agriculteurs familiaux doivent non seulement bien maîtriser les circuits de commercialisation, mais également être en mesure d’assurer une production en quantité et en qualité qui répond à la demande des marchés agricoles modernes. Ce qui passe nécessairement par l’utilisation systématique de semences certifiées, des fertilisants, de matériel agricole fonctionnel et d’un système de conseil agricole performant.

L’épargne-intrants : un mécanisme d’autofinancement des intrants et du matériel agricole par les ménages

Pour rendre autonome les exploitations familiales afin qu’elles puissent être en mesure de prendre en charge elles-mêmes le financement de leurs besoins en intrants agricoles (semences, engrais), le PAFA a amené les OP à mettre en place un Fonds de roulement/intrants.

Au démarrage de la campagne, chaque ménage signe un contrat de performance (production et commercialisation) avec l’OP porteur du Sous-projet d’accès au marché (Spam). Cette entente détermine les quantités et les normes de qualité auxquelles sont soumis les producteurs membres. « En conformité avec le principe de cofinancement dégressif retenu dans la mise en œuvre, chaque producteur dépose à la récolte, auprès de l’organisation porteur du Spam, une quantité de sa production équivalente à ses besoins en intrants pour la campagne suivante » explique Aissatou Cissé, la présidente du groupement « Takku Liggey » de Nganda (une localité de la région de Kaffrine), porteur d’un Spam de première génération. Le PAFA intervient dans ce processus et appuie à hauteur de 80% les OP contre 20% apportés par les bénéficiaires sur le financement des Spamla première année. En deuxième année, le projet donne 60% et les bénéficiaires 40%.En troisième année, le projet contribue pour 40%, et les bénéficiaires 60% et en quatrième année, les bénéficiaires prennent en charge la globalité.

L’épargne-intrants permet aux producteurs de couvrir à l’avance leurs besoins en intrants et de bien préparer la prochaine campagne agricole. Ainsi par exemple les producteurs de maïs appuyés par le projet n’ont eu aucune difficulté pour préparer la campagne agricole 2013, àla faveur de la mobilisation de l’épargne-intrants. De même, l’OP qui a contractualisé avec un OM, également fournisseur d’intrants agricoles, maîtrise parfaitement les mécanismes de collecte et de sécurisation de cette contribution indispensable au financement des activités du Spam. « Ici, nous avons appris avec le PAFA à dégager dès la récolte l’apport nécessaire dans le cofinancement de la campagne. Ce qui nous a permis, en relation avec notre OM partenaire, d’anticiper dans la mise à disposition des facteurs de production » se réjouit la responsable morale de « Takku Liggey ».

L’expérience est aujourd’hui bien intégrée par les groupements-partenaires et porte ses fruits. Le mécanisme a ainsi permis aux producteurs disposant depuis plusieurs mois de cette épargne en nature, calculée au prorata de l’apport personnel de l’OP et indexée au prix plancher du kilogramme sur le marché, de mettre tous les atouts de leur côté pour aborder sereinement la campagne de production. Certaines OP ont même réussi à fructifier cet apport personnel à travers la mise en place d’une banque de céréales villageoise au profit de ménages non bénéficiaires du projet. En outre, les produits de la vente de ces stocks sont affectés à l’achat des semences, d’engrais et même de matériel agricole.Un Fonds de roulement venu à point nommé si l’on en juge les résultats appréciablesobtenus en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, d’augmentation et de diversification des sources de revenus des ménages vulnérables à la pauvreté.

Gestion communautaire du matériel agricole pour faciliter l’accès des ménages vulnérables aux semoirs et houes

Dans la Communauté Rurale de MakaYopp (région de Kaffrine) où l’agriculture est la principale source d’alimentation et de revenus, les ménages qui ne disposaient pas d’équipements ou de matériels agricoles étaient nombreux à délaisser les champs pour les centres urbains à la recherche de meilleures conditions de vie.

Pour soutenir la production agricole et afin d’encourager la petite mécanisation agricole, nécessaire pour faciliter et accélérer les opérations culturales et de post-récolte, respecter le calendrier cultural et les dates de livraison des récoltes aux OM, le PAFA contribue à faciliter l’acquisition des équipements et matériel agricole adaptés aux besoins de la petite exploitation agricole.
Le mode de gestion et d’utilisation des équipements est le suivant : chaque OP, après avoir acquis un parc de 10 semoirs et autant de houes, met en place un comité de gestion qui définit les modalités d’utilisation, demaintenance et de renouvellement du matériel. Puis l’OP identifie les ménages les plus vulnérables en son sein et totalement dépourvus de matériel agricole avant de fixerun calendrier d’utilisation par ces ménages démunis moyennant un tarif forfaitaire de 10.000FCFA par campagne. L’utilisation du matériel est donc accordée en priorité aux ménages extrêmement vulnérables à la pauvreté.

Depuis le lancement de l’initiative, le PAFA a fourni 2160 semoirs et 1220 houes. A Fass Nguérane, l’accès au petit matériel est devenu aisé et son mode de gestion rassure la communauté des petits producteurs et productrices.« Avant l’arrivée du Projet, l’activité agricole battait de l’aile du fait d’un manque notoire de semoirs, de houes. Nous accusions toujours du retard dans les semis car il fallait louer le petit matériel au niveau des producteurs équipés. Mais celui-ci n’était pas toujours disponible à temps réel ou on devait attendre que certains terminent. Il était fréquent de voir un semoir tourner à longueur de journée entre les mains de plusieurs ménages. » comme le rappel Mbaye Diouf, le président de la fédération des producteurs de Fass Nguérane initié en 2012 soutenue par le PAFA. Mieux, la plupart des ménages-cibles ont acquis, en l’espace de deux campagnes, leurs propres semoirs et houes. Car, les gains de temps et de productivité et le respect des itinéraires techniques obtenus grâce au matériel agricole qui ontpermis d’accroître les rendements agricoles.

Internalisation du conseil agricole pour des rendements de qualité

En plus du renforcement des mécanismes pour sécurisation de la disponibilité des intrants, les agriculteurs familiaux, pour assurer leur sécurité alimentaire et la commercialisation des excédents de production, ont beaucoup investi pour l’accroissement de la production et des rendements agricoles. Toutefois, cette nette progression de la productivité (toutes spéculations confondues)a aussi été rendue possible par l’encadrement de proximité composé de Conseillers à l’Exploitation Familiale (CEF), une nouvelle approche de conseil agricole et rural, basée sur l’approche OP et qui constitue une rupture avec l’ancien système d’encadrement des exploitations familiales en milieu rural.
Identifiés au niveau de chaque OP, les CEF constituent des relais villageois formés par des techniciens de l’Agence Nationale de Conseil agricole et Rural(ANCAR). Dotés de guide de Bonnes Pratiques Agricoles (BPA) et de plans des BPA en direction des producteurs et productrices, ils sont en charge du conseil et du suivi de la mise en œuvre des activités des Sous-projet d’accès au marché (Spam) et assurent la démultiplication de la formation sur les Bonnes Pratiques Agricoles.

Dynamiques et réceptifs, ces jeunes CEFqui opèrent sous le contrôle de l’ANCAR ont beaucoup contribué au respect strict des calendriers et itinéraires techniques par les OP et au meilleur suivi des cultures. Maimouna Faye, la présidente de l’Union des groupements de femmes productrices de niébé à Niakhar (région de Fatick) témoigne : « Avant l’arrivée de ces relais, toute la communauté rurale se partageait les services d’un seul agent de l’ANCAR, qui nous visitait de manière épisodique. Ce qui n’était pas sans conséquence sur le suivi des cultures. Mais cette difficulté est aujourd’hui dépassée par la mise sur orbite des CEF. Ce sont des fils du terroir bien formés qui nous encadrent tout au long de la campagne agricole. Finies donc les pertes de temps parce que ces jeunes villageois sont toujours présents à nos côtés et leur accompagnement est très apprécié par les producteurs ». A la faveur de leur engagement et de leur entière disponibilité, ces personnes ressources dont la rémunération à terme sera totalement prise en charge par l’OP porteur du Spam, participent au renforcement du capital social par la mobilisation des énergies endogènes des terroirs villageois.

Résultats

Le développement et l’encadrement par le PAFA de ces trois innovations institutionnelles dans le Bassin arachidier ont renforcé la capacité de résilience des exploitations agricoles familiales à la pauvreté. L’acquisition de semences certifiées et d’engrais de qualité et de petit matériel facilitée par une épargne-intrants fonctionnelle et un mode de gestion efficient au service des plus vulnérables, combinée à une internalisation du conseil agricole au sein des OP, a boosté la performance des petits producteurs.

Dans le sillage de la première campagne agricole, malgré un déficit pluviométrique les petits producteurs de la zone d’intervention du projet avaient réussi à améliorer leur sécurité alimentaire et nutritionnelle, celle de2012 a enregistré des rendements records pour le mil (2.95 tonnes/ha), lesorgho (2.52 t), le niébé (1 tonne) et le sésame (0.8t). En effet, les rendements du mil et du niébé sont passés respectivement de 575 à 1250 kg/ha, de 300 à 700 kg/ha. Les rendements du sésame quant à eux ont triplé. Grâce à l’amélioration de la productivité, le niveau d’autoconsommation a considérablement augmenté et les revenus des ménages aussi. Après trois ans de mise en œuvre, le projet a touché directement 16854 ménages vulnérables à l’insécurité alimentaire à travers le financement et l’encadrement de 318 Spam.

Projet d’Appui aux Filières Agricoles (PAFA)
Sémou DIOUF, Coordonnateur du PAFA
Kaolack, Sénégal