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Promouvoir une gouvernance plus inclusive des OP : les résultats probants de l’ASPRODEB dans le renforcement de la dynamique organisationnelle des producteurs du bassin arachidier, au Sénégal

L’ASPRODEB appuie depuis quelques années les OP du Bassin arachidier dans le renforcement de leurs capacités organisationnelles afin de faciliter leur accès à des semences de qualité. Cet accompagnement a contribué à faire des organisations paysannes de la région des acteurs clés de la reconstitution du capital semencier au Sénégal.

Face à la baisse de la production arachidière et à la demande de semences certifiées exprimée par les exploitations agricoles familiales, l’idée de prise en charge de la production de semences par ces dernières émergea suite à des rencontres entre les leaders des OP, l’État et ses partenaires financiers.

En 2007, le Gouvernement du Sénégal a ainsi obtenu un appui financier de la Banque Mondiale et du FIDA à travers le PSAOP 2 pour mettre en œuvre une action pilote de production de semences certifiées d’arachide par les producteurs organisés en entreprises privées de type coopératif.

Les résultats concluants ont incité le Ministère de l’Agriculture, en 2008 dans le cadre du programme COM – STABEX, à demander à l’Association pour la promotion du développement à la base (ASPRODEB) d’accompagner les organisations de producteurs pour qu’elles deviennent des acteurs majeurs de la reconstitution du capital semencier arachide grâce à leur professionnalisation.

Le programme de Facilité Alimentaire UE-FIDA est venu renforcer les acquis des programmes susmentionnés. Par ailleurs, il a permis de poursuivre la mise en place de coopératives de producteurs de semences d’arachide dans différentes régions à forte potentialité agricole notamment Kaolack. À Paoskoto une communauté rurale située dans cette région, l’ASPRODEB a aidé les paysans à se regrouper en coopérative qui a contribué à l’autonomie semencière de la collectivité et à faciliter la commercialisation de la production arachidière.

Une dynamique organisationnelle ancienne

Paoskoto est une Communauté rurale située dans la zone agro-écologique du bassin arachidier du Sénégal. Elle se trouve dans le Département de Nioro du Rip à une cinquantaine de Km de Kaolack. Composée de 120 villages dont la plupart sont frontaliers de la Gambie, elle a connu dès le début de l’indépendance, comme les autres contrées du Sénégal, les organisations de type coopératif. Malheureusement, ces structures n’ont pas donné des résultats satisfaisants en raison d’un mode de gestion administré par l’État qui laissait peu de place à la participation paysanne dans les prises de décision.
La communauté rurale de Paoskoto dont les paysans sont demeurés réceptifs aux innovations a connu beaucoup de type d’organisations de producteurs tels que les groupements, les sections villageoises, le Comité villageois de Développement (CVD), la centrale d’achats etc.
Paoskoto a aussi été le creuset de programmes pilotes de développement rural initiés par l’État tels que le Programme des Services Agricoles et Organisations de Producteurs (PSAOP), le Programme National d’Infrastructure Rurale (PNIR), le Programme National de Développement Local (PNDL).
L’avènement du PSAOP a suscité la création du Cadre Local de Concertation des Organisations de Producteurs (CLCOP) qui réunit toutes les OP de la Communauté rurale. Cette structure a servi de cadre d’échanges, d’informations et de sensibilisation des producteurs pour la mise en place de la coopérative de Paoskoto.

Une coopérative de producteurs de semences d’arachide mise en place suivant un processus inclusif

Un comité d’initiative pour assurer l’information et la sensibilisation

La communauté rurale de Paoskoto a été choisie pour implanter une coopérative par l’Etat et les responsables du projet en raison de toutes les innovations dont elle est bénéficiaire. Le processus de mise en place de la coopérative a débuté par une réunion de sensibilisation et d’informations des producteurs organisée par le CLCOP avec l’appui de l’ASPRODEB qui a engagé un consultant pour la circonstance. D’emblée, le consultant a présenté les différents types d’organisation qui existent au Sénégal (Gie, Association, coopérative, …), leurs avantages et inconvénients, les mécanismes de financement, etc. Ensuite, il a animé une discussion qui a abouti au choix du type d’organisation la plus appropriée à savoir la coopérative.
Par la suite, un comité d’initiative composé de 07 membres a été constitué sur la base d’un découpage en 06 zones. Celui-ci a été effectué suivant des critères géographiques (proximité des villages, importance de la population, polarisation), culturels et historiques (liens de parentés et ancienneté des villages), etc.

Le comité d’initiative est ainsi composé d’un représentant par zone hormis la plus peuplée qui bénéficie de deux (2) membres.
Ses missions étaient :

- l’information et la sensibilisation de tous les producteurs de la localité, des leaders d’organisations, des autorités locales et administratives sur l’objet et les enjeux de la coopérative ;
- l’identification et le recensement des membres potentiels ;
- la rédaction d’un projet de statuts et de règlement intérieur pour la coopérative ;
- l’élaboration et l’envoi d’une lettre d’intention de mise en place de la future coopérative à la DRDR ;
- la proposition d’un plan d’action et la préparation d’un compte d’exploitation prévisionnel ;
- la restitution des informations à l’ASPRODEB ;
- et l’organisation de l’assemblée générale constitutive de la coopérative (fixer la date, envoyer les lettres de convocation, louer la salle et la préparer, proposer un ordre du jour).
Le mandat du comité d’initiative prend fin une fois ces activités réalisées.

Des organes de gouvernance reconnus du fait de leur mise en place transparente et démocratique

L’Assemblée Générale Constitutive (AGC) de la coopérative des producteurs de semences d’arachide de Paoskoto a réuni le 06 Décembre 2007 tous les producteurs résidants de la Communauté rurale recensés par le comité d’initiative comme des membres potentiels, les représentants des organisations faîtières de producteurs, les autorités administratives et locales, les représentants de la DRDR ou de la SDDR, etc. Devant cette instance, le comité d’initiative présente son rapport d’activité (processus ayant abouti à l’assemblée générale) puis expose le projet de statuts et règlement intérieur pour amendement et validation.

Un Conseil d’Administration et un Bureau Exécutif élus

A la suite de l’adoption du rapport du comité d’initiative, il a été procédé au versement des parts sociales. Cette opération a eu pour but de compter le nombre réel d’adhérents.
L’AG constitutive de Paoskoto a réuni 132 producteurs qui devaient élire un Conseil d’Administration (CA) de 09 membres et un organe de contrôle composé de 03 commissaires aux comptes dont le rôle est de vérifier les états financiers de la coopérative.
Le CA de Paoskoto ainsi constitué a proposé, à huis clos, un Bureau Exécutif composé de 06 membres dont un Président et son Vice-Président, un Secrétaire et son adjoint et un Trésorier et son adjoint. Cette proposition de Bureau exécutif a été ensuite présentée à l’AGC pour validation.
Les critères d’adhésion des membres de la coopérative sont :
- être résidant de la communauté rurale ;
- avoir au moins 4 hectares de terres cultivables ;
- disposer du matériel agricole et du personnel adéquats ;
- être crédible et solvable auprès des banques ;
- verser une part sociale de 10 000 FCFA et une cotisation annuelle de 2500 FCFA.

Une bonne représentation des femmes et des jeunes

Dans la mise en place des instances, les initiateurs ont fait prévaloir un souci d’équilibre dans la représentativité qui tient compte du découpage zonal et du genre. C’est ainsi que sur les 132 membres présents à l’AGC, 74 sont des femmes et 35 des jeunes (- 35 ans). Trois femmes sont membres du CA. Elles sont aussi représentées dans le BE au poste de trésorier et de secrétaire adjoint.

Un personnel d’appui technique recruté selon des normes standards

A l’issue de l’AGC, le nouveau Bureau Exécutif s’est rapproché de l’ASPRODEB pour procéder au recrutement de son personnel d’appui technique composé d’un Directeur de niveau Bac + 4 ou 5 en agronomie, économie, gestion d’entreprises ou disciplines connexes, d’un technicien de niveau BFEM+ 3 en agriculture ou dans un domaine similaire avec une expérience dans la filière arachidière et de 06 observateurs issus de la communauté rurale.
Pour ce faire, le Président de la coopérative a lancé un appel à candidature. Avec l’appui de l’ASPRODEB, il a procédé au tri des dossiers de candidatures, fait passer des entretiens aux candidats présélectionnés pour en choisir les meilleurs. Ensuite ceux qui sont pressentis ont été convoqués au siège de la coopérative pour leur expliciter les tâches attendues et leur proposer un contrat. Si les 2 parties trouvent un accord, un contrat de prestations est signé entre le Conseil d’administration de la coopérative représenté par le Président et le personnel d’appui technique.
Cette procédure de recrutement qui correspond aux normes standard de la gestion des ressources humaines est fondamentale dans le management de la coopérative car elle permet une bonne collaboration entre l’équipe technique et les membres de la coopérative et la supervision de celle-ci par le Conseil d’administration.

Une production de semences certifiées sécurisée grâce à la contractualisation

Afin de sécuriser la production de semences certifiées, la coopérative a signé un contrat avec chaque producteur membre. Ce dernier par cet acte, s’engage à respecter le cahier des charges pour la production de semences, à livrer la totalité de sa production à la coopérative et à rembourser les crédits contractés. Quant à la coopérative, elle s’engage à acheter la totalité de la récolte des producteurs. L’avantage de cette formalisation par un contrat signé, est de pouvoir sanctionner les producteurs qui ne respectent pas leurs engagements. Par exemple un producteur qui vend les semences dans le marché parallèle pourrait être exclu de la coopérative et/ou poursuivi en justice.

Un accompagnement technique et financier constant qui débouche sur des partenariats fructueux

Pour consolider les acquis engrangés dans le cadre de la promotion des coopératives de producteurs de semences, l’ASPRODEB a bénéficié de la part du programme de Facilité Alimentaire UE-FIDA d’appuis substantiels. Cela a permis d’octroyer une subvention d’équilibre à la coopérative de Paoskoto pour assurer la prise en charge du personnel technique et les frais de fonctionnement.
En attendant, la coopérative gère par elle-même des ressources financières. Par ailleurs, pour satisfaire les besoins spécifiques en matière d’équipements et d’infrastructures économiques, la coopérative a reçu de la part du programme des appuis logistiques et des équipements collectifs de traitement et de conditionnement des semences (Tarare, couseuse, bâches de protection, bascule électronique). Ces moyens ont beaucoup contribué à la qualité de la production et facilité la commercialisation.
Les appuis techniques pour l’exécution des activités ont été assurés par les agents de l’ASPRODEB. Le contrôle des champs, a été fait par les agents techniques des services semenciers de la DRDR et supervisé par la DISEM, conformément à la réglementation sur les semences certifiées d’arachide commune aux pays d’Afrique de l’Ouest.
Pour mieux planifier la commercialisation, une convention de financement a été conclue avec la CNCAS afin de permettre à la coopérative de disposer de fonds pour acheter et stocker la totalité des semences produites en attendant la vente à d’autres coopératives ou à des producteurs d’arachide.
La coopérative entretient aussi des relations de partenariat avec d’autres organisations locales telles que le Club Environnement qui lui a prêté un magasin de stockage.
Dans le cadre du programme, elle a reçu de l’ISRA chargé d’exécuter la composante Recherche, des semences de pré-bases durant la campagne 2010/2011. La proximité de la station de Nioro facilite l’appui technique et logistique et la communication entre l’ISRA et la coopérative.

La gestion durable des coopératives

Avec les espoirs placés sur les coopératives, la question de leur durabilité se pose : sont-elles dans une dynamique qui leur permet d’accéder à l’autonomie financière et d’assurer leur propre pérennisation ?
Certains facteurs peuvent entraver cette perspective. Parmi ceux-ci on peut citer :
- La dépendance envers d’autres structures pour l’acquisition d’équipements ou la prise en charge de l’équipe technique,
- Le manque d’esprit entrepreneurial de la part des managers des coopératives qui les empêche d’anticiper sur le cours des évènements et de définir une véritable politique d’autonomisation envers les partenaires classique ,
- L’absence de politique cohérente de l’État dans la sous-filière semencière qui expose les semences certifiées à la concurrence des « semences tout venant ».
Pour faire face à ces facteurs défavorables, il faut :
- Une politique d’entretien et de renouvellement des équipements.
Cela commence par mettre un peu d’argent de côté pour les amortissements ;
- Une formation des élus et des visites d’échanges entre les coopératives qui marchent bien et celles qui ont des difficultés ;
- Un plaidoyer auprès de l’État.

CONCLUSION

Au cours de ces quatre années, un état d’esprit nouveau est né : les producteurs semenciers, leurs élus et leur personnel technique sont convaincus que la coopérative est un outil puissant, capable d’apporter des réponses durables à leurs problèmes. La coopérative est aussi un instrument pour d’autres perspectives notamment une meilleure prise en charge de la commercialisation des produits agricoles.
Le chemin est encore long mais le réseau qui regroupe toute les coopératives et leur rend des services d’achats d’intrants groupés, et de commercialisation tout en favorisant un partenariat avec les structures techniques de l’État, les banques et l’ASPRODEB contribue à asseoir les bases d’une pérennisation des coopératives.

Par Bassirou MANÉ

ASPRODEB