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Résilience des pasteurs en zones semi-arides : les stratégies des éleveurs de Dahra Djolof

L’élevage utilise les ressources naturelles que sont l’eau, les végétaux, le sol et parfois des ressources synthétiques telles que les engrais et les pesticides, pour produire des aliments notamment la viande, le lait. Cette relation de l’élevage à la nature peut parfois nuire à l’environnement. La demande mondiale en produits étant en croissance, il importe d’utiliser de façon plus efficace les ressources nécessaires à l’élevage, tant pour le bénéfice des fermes que pour celui de la société. Ainsi, les impacts négatifs de l’élevage peuvent être atténués par l’adoption de bonnes pratiques pour permettre une résilience des pasteurs. Pour les acteurs de l’élevage, la résilience est donc un enjeu majeur. C’est le cas à Dahra Djolof, une zone semi-aride située dans la zone sylvopastorale sénégalaise.

Le pastoralisme est l’activité dominante à Dahra Djolof. C’est une zone semi-aride située dans la bande sylvopastorale entre les isohyètes 400 et 600 mm. La faible pluviométrie dans cette zone pastorale influence directement les potentialités hydrologiques, la flore et la faune. Elle réduit aussi la possibilité de mise en valeur agricole de la terre. Ces déterminants bioclimatiques ont un impact direct sur le niveau d’anthropisation de cet espace.

C’est ainsi que l’on parle d’espace à « vocation pastorale », dans la mesure où tous ces déterminants bioclimatiques favorisent le développement de l’activité pastorale. Ainsi, la zone a été baptisée en 1951 par les autorités coloniales « zone sylvopastorale » (Diop A.T., 2004) . L’élevage y est de type extensif, fondé sur l’exploitation des ressources naturelles.
Les éleveurs, majoritairement peuls, ont longtemps été considérés comme déconnectés de toute relation économique avec le monde extérieur. Pourtant, la monétarisation de leur société et la mondialisation de l’économie se font aujourd’hui ressentir jusque même dans ces espaces reculés. A Dahra Djolof, l’activité pastorale est aussi une activité économique.

Elevage face aux défis du changement climatique

La zone sylvopastorale de par son emplacement géographique, a longtemps été sujette à une forte variabilité climatique. Avec le phénomène du changement climatique qui s’est accentué à partir de la deuxième moitié du 20e siècle, force est de constater que l’écosystème de cette zone très fragile va en subir très lourdement les conséquences. En effet, au Sénégal, le secteur primaire occupe deux tiers (2/ 3) des actifs alors qu’il ne participe qu’à hauteur de 17,9% du Produit National Brut.

L’élevage fait partie de ce secteur et subit de très près et de manière forte ces contraintes environnementales et économiques, alors qu’avec la croissance démographique accompagnée d’un relèvement du niveau de vie, le Sénégal enregistre une forte demande en lait et en viande. Ce sous-secteur est d’une importance capitale avec 3 000 000 d’individus qui s’y activent, procurant par-là, l’essentiel des revenus à 350 000 familles. Ainsi, il contribue pour 7,4% au Produit Intérieur Brut et 35,5% à celui du secteur primaire. C’est pourquoi, il s’avère nécessaire de le rendre performant.

Ainsi, les pasteurs habitant à Dahra Djolof ressentent ce changement climatique comme un facteur de dégradation des ressources naturelles qui compromet leur activité et les pousse à adopter un certain nombre de stratégies pour la pérenniser, de même que ce mode de vie que constitue le pastoralisme.
Déjà le facteur climatique qui détermine l’activité pastorale est la faible et irrégulière pluviométrie. A cause de celle-ci, la zone est marquée par des pâturages de plus en plus en manque. Les points d’eaux sont insuffisants et s’assèchent vite.

A Dahra Djolof, les pasteurs sont enclins à s’adonner à une forte mobilité pour faire face aux contraintes du milieu. En effet, le pastoralisme est fortement dépendant des ressources naturelles pour assurer une bonne productivité de son cheptel. L’eau, la terre, la végétation sont autant de ressources qui conditionnent ainsi les déplacements des pasteurs, servant de gages pour la survie de l’activité. Toute cette problématique nous installe dans une réflexion autour d’un pastoralisme en mutation face au changement climatique ressenti et prévisible dans un environnement très hostile.

Le lait et la résilience des pasteurs

Allouer une place de choix aux pasteurs dans la gouvernance environnementale et la lutte contre le changement climatique constituent un atout certain pour renforcer la résilience de leurs économies. C’est sur cette lancée que le programme Promouvoir la Résilience des Economies en Zones Semi-Arides (PRESA), dans son projet 3 intitulé « Exploiter les opportunités pour un développement économique résilient aux changements climatiques dans les régions semi-arides : options pour l’adaptation des filières viandes et lait » a réservé, dans le développement de son agenda de recherche, une place déterminante à l’élevage.

Dans le renforcement de la résilience des ménages pasteurs, la vente du lait pourrait jouer un rôle déterminant notamment pour les couches les plus vulnérables. D’après nos enquêtes, la traite et la vente du lait sont exclusivement réservées aux femmes. En effet, ces femmes se sont regroupées pour la plupart autour d’associations et de groupements d’intérêts économiques.

D’après nos entretiens, le lait est vendu au niveau du marché local mais aussi aux industries ou unités de transformation laitière. Il ressort aussi de nos enquêtes, que l’argent issu de la commercialisation du lait est destiné à l’achat d’aliment de bétail, aux dépenses quotidiennes, à l’achat d’autres animaux, à la scolarité des enfants et au paiement du « sourga » (employé au service du maître ou de la maîtresse de maison). Mais le lait a connu une baisse tant du point de vue de la quantité et que de la qualité. Il serait intéressant de mettre en place des stratégies pour rendre ces pasteurs plus résilients, en vulgarisant certaines pratiques qui ont déjà fait leurs preuves au Sénégal comme la stabulation des vaches laitières par exemple.

Cheikh Tidiane SECK

Boursier du PRESA, étudiant à l’Institut des Sciences de l’Environnement (ISE) UCAD-Dakar
Bibliographie :
-  DIOP A.T.(2004) « Mares de la zone sylvopastorale : tendances évolutives et rôle dans les stratégies de production des populations pastorales », Revue d’élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux, pp. 77-85
-  Lettre de politique du développement de l’élevage, 2002