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Recherche : Contribution des déjections de chenilles de Karité (Citrina butyrospermi) à la gestion de la fertilité des sols
Au Burkina Faso, le karité est une espèce très répandue dans les agro-systèmes. Les produits issus de cette espèce sont principalement le beurre et les chenilles de karité. Les chenilles, au cours de leur phase larvaire, consomment la biomasse foliaire de karité et rejettent d’importantes quantités de déjections à la surface des sols. Ces déjections, issues de la digestion des feuilles de karité, sont une source de matière organique pour le sol.
La présente étude préliminaire a été initiée afin de déterminer (i) la quantité de déjections produites par les chenilles et (ii) les quantités d’éléments fertilisants susceptibles d’être recyclés dans les sols via les chenilles de karité.
Détermination de la quantité de déjections des chenilles
Pour déterminer la quantité de déjections des chenilles, nous avions choisi 6 pieds de karité espacés de 30 à 50 m les uns des autres dans des champs mis en culture. La taille et le niveau d’attaque par les chenilles n’étaient pas identiques. La quantité de déjection a été mesurée sur 3 placettes de 1 m2 chacune sous chaque karité. La détermination de la quantité des déjections a été réalisée en début Août, période qui correspond à la descente de l’arbre de la majorité des chenilles et de leur ramassage pour la consommation humaine.
Selon Kaboré et al. (2012), les densités de karité à l’ha suivant 6 types de parcelles. Les jeunes champs (exploitation depuis 2 ans), les champs d’âge intermédiaire (exploitation depuis 6 ans), les vieux champs (exploitation depuis plus de 15 ans), les jeunes jachères (abandon depuis 2 à 3 ans), les jachères d’âge intermédiaire (abandon depuis 6 à 8 ans) et les vielles jachères (abandon depuis plus de 15 ans).
Estimation de la couverture des besoins annuels en C des sols par les déjections des chenilles
Nous avons considéré 372 kg de C/ha/an comme la quantité de C minéralisé par an (Berger et al., 1987). La couverture des besoins en C (en %) a été obtenue en faisant le rapport entre quantité de C des déjections par type de parcelle, et la quantité de C minéralisé annuellement.
Estimation de la valeur économique des déjections suivant une valorisation en terme d’urée
L’obtention des déjections de chenilles en quantité suffisante correspond à leur descente des arbres, leur ramassage pour la consommation et surtout à la période d’application de l’urée sur les cultures. Cela nous conduit à faire l’hypothèse que l’application des déjections de chenilles sur les cultures pourrait substituer celle de l’urée. Pour ce faire, nous avions utilisé la formule suivante pour estimer la quantité d’urée :
Quantité Urée (kg/ha) = Quantité N * (100/46), avec la Quantité N qui correspond à celle apportée par les déjections de chenilles selon le type de parcelle et sachant aussi que 100 kg d’urée contient 46 kg de N.
L’équivalent économique a été obtenu, en multipliant la quantité d’urée obtenue par 326 FCFA (coût d’un kg d’urée selon une société de commercialisation d’engrais au Burkina Faso).
Résultats de l’étude
- Quantification des déjections des chenilles de karité
La Figure 2 montre que la production de déjection la plus élevée est obtenue dans les vieilles jachères (3 774,95 kg/ha), suivie de jachères d’âge intermédiaire (1 357, 20 kg/ha). La production de déjection dans les 3 types de champs et les jeunes jachères est inférieure 1 000 kg/ha avec la plus faible obtenue dans les vieux champs (440,12 kg/ha).
Figure 1 : Production de déjection de chenille par type de parcelle
- Estimation de la quantité de C produite par les déjections de chenille et de la couverture des besoins en C des sols selon le type de parcelle
Les analyses chimiques indiquent que les déjections de chenilles contiennent 477,7 g/ kg de carbone. A partir de cette teneur en C des déjections, on note que celles-ci peuvent apporter entre 209 à 332 kg/ha de carbone dans les champs (Tableau 1). On observe que ces quantités de C produites par les chenilles, peuvent permettre de couvrir plus de 50 % des besoins annuels en C des sols avec 82,79 %, 89,50% et 56,43% respectivement pour les jeunes champs, les champs d’âge intermédiaire et les vieux champs. Pour les jachères, les quantités de C produites permettent de couvrir plus de 100 % des besoins annuels en C des sols, excepté les jeunes jachères dont les quantités en C ne couvrent que 69,61 % des besoins des sols.
Tableau 1 : Quantité de C et couverture des besoins annuels en C des sols selon le type de parcelle
AI = âge intermédiaire
- Equivalent économique des quantités de déjections de chenille selon le type de parcelle
Les analyses chimiques indiquent que les déjections de chenilles contiennent 10,8 g/kg d’azote. Ce qui peut permettre d’apporter entre 10,31 kg/ha d’urée pour un vieux champ et 88,47 kg/ha d’urée pour une vieille jachère. En termes économique on enregistre des gains potentiels de 3 362, 4 933 et 5 332 FCFA/ha respectivement pour les vieux champs, les jeunes chams et les champs d’âge intermédiaire (Tableau 2). Pour les jachères, elle atteigne 28 840 et 10 369 FCFA/ha pour les vieilles jachères et les jachères d’âge intermédiaire respectivement. Pour les jeunes jachères, la valeur économique est de 4 147 FCFA/ ha.
Tableau 2 : Valorisation économique des quantités en N des déjections de chenilles selon le type de parcelle
Conclusion
Les résultats de cette étude mettent en évidence l’importance de renforcer les parcs à karité pour assurer une production importante de déjections de chenille. Ainsi, pour la densité de 70 pieds à l’ha (recommandée par les services de l’environnement dans les champs au Burkina Faso), la production des champs pourrait atteindre 1,5 t/ ha. Les déjections de chenilles présentent l’avantage d’être produites sur les parcelles durant la phase végétative des cultures.
Elles pourraient donc être valorisées avec économie de travail de transformation. Les quantités de C et N que les déjections sont susceptibles d’apporter, montrent qu’elles peuvent couvrir entre 56 et 484 % des besoins en C des sols. Les quantités de N que les déjections sont susceptibles d’apporter, montrent qu’elles peuvent substituer les apports d’urée sur les cultures de maïs et de coton qui bénéficient selon les recommandations de la recherche entre 50 et 100 kg/ ha d’urée.
On peut conclure qu’en plus du fait que les chenilles de karité constituent une source de protéine pour l’alimentation humaine, leurs déjections constituent une voie de gestion écologique de la fertilité des sols. Il serait ainsi opportun de conduire des recherches sur les effets des déjections de chenilles sur les rendements des cultures et la qualité organoleptique des produits.
Kalifa Coulibaly
Institut du Développement Rural (IDR), Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), 01 B.P. 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.
Email : kalifacoul1@yahoo.fr
Bernard BACYE
Institut du Développement Rural (IDR), Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), 01 B.P. 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.
Email : bbacye@gmail.com
Hassan B. NACRO
Institut du Développement Rural (IDR), Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), 01 B.P. 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.
Email : nacrohb@hotmail.com
Alain P.K Gomgnimbou
Institut de l’Environnement et de Recherche Agricole (INERA), 01 B.P. 476 Ouagadougou 01, Burkina Faso.
Email : gpkalain@yahoo.fr
Michel P. SEDOGO
Institut de l’Environnement et de Recherche Agricole (INERA), 01 B.P. 476 Ouagadougou 01, Burkina Faso.
Email : michel_sedogo@yahoo.fr