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Le Biochar : un charbon biologique adaptés aux sols tropicaux acides
Le biochar est un charbon d’origine végétale obtenu par pyrolyse de biomasse des matières organiques d’origine diverse. Il a été découvert il y’a environ 6000 ans par les amérindiens vivant en Amazonie, qui ont compris que l’utilisation de ce charbon pouvait transformer leurs sols pauvres et infertiles en sols fertiles. Aujourd’hui, des travaux de recherche sur le biochar revisitent ses origines et son utilisation en passant par ses impacts sur l’amélioration de la fertilité des sols tropicaux confrontés à une forte dégradation.
Qu’est ce le biochar
Le terme ‘biochar’ est l’abréviation de ‘bio-charcoal’. du préfixe « bio » qui veut dire origine biologique et du mot anglais « charcoal » qui signifie charbon de bois. Il désigne un charbon d’origine végétale obtenu par pyrolyse de biomasse des matières organique d’origine diverse.
La pyrolyse est la décomposition thermique des matières organique en milieu pauvre en oxygène d’oxygène, elle conduit à la production de trois constituants : un mélange gazeux constitués de gaz non condensable, le bio-huile et un résidu solide à forte teneur en carbone appelé biochar. Le biochar est un charbon qui peut être produit de manière artisanale ou industrielle.
De manière conventionnelle (Initiative International sur le biochar), le terme biochar désigne toute matière organique carbonisée carbonisé dans l’intérêt de l’appliquer au sol ou de séquestrer le carbone.
Les biochars sont des solides riches en carbone stable et récalcitrant à la minéralisation par les microorganismes du sol, du fait de sa composition riche en structures aromatiques. Il joue ainsi le rôle de fixation du carbone dans le sol et donc de puits de carbone, ce qui explique son intérêt dans le contexte des préoccupations concernant le réchauffement climatique.
Le biochar peut être produit à partir des matières organiques d’origines diverses (résidus agricoles, fumier, résidus d’exploitation forestière…etc).
Origine du concept Biochar
Il y a environ 6000 ans que les amérindiens vivants en forêt dans l’Amazonie découvraient que l’utilisation du charbon pouvait transformer leurs sols pauvres et infertiles appelés « oxisols » équivalent au sols ferralitiques en sols fertiles appelé « terra preta » qui signifie terre noire. Ces peuples avaient créés un type de culture appelé « slash and char agriculture » qui consistait à couper les arbres de la forêt et ainsi que ceux issus du défrichement des champs et à carboniser cette biomasse plutôt que de la bruler complètement. Par la suite, charbon était incorporé dans le sol avec d’autres fertilisants naturels tels que les fumiers. Les travaux de recherche effectués par les pédologues et les archéologues ont permit d’identifier aussi dans ces sols les déchets de cuisine, les os de poissons et d’animaux, des morceaux de pots en céramique. C’est pourquoi ces sols ont été qualifiés d’anthrosols qui signifie sol crée par l’action de l’homme. On retrouve les « Terra preta » par poches d’hectare dans la forêt amazonienne (Brésil) en général constituée d’oxisols. La Terra preta est un sol très fertile à long terme, contient 70 (soixante dix) fois plus de carbone, à une capacité de rétention cationique (CEC) élevée, il est aussi riche en phosphore, calcium et magnésium et regorge une diversité de microorganismes du sol. Terra preta est restée très productive pour les cultures, ce qui justifie de nos jours la commercialisation de terra preta comme substrat en agriculture et en horticulture. L’analyse moléculaire des restes de charbon du sol identifiés dans terra preta laisse penser que si une partie du charbon provenait du bois brûlé lors du défrichement, une autre partie, plus significative en profondeur est un charbon provenant de la combustion incomplète des déchets agricoles ou du bois dans les foyers. En conséquence l’idée sous entendue derrière le concept biochar n’est pas de reproduire le système de culture tel que pratiqué à l’aire de la civilisation des amérindiens, mais d’identifier un élément de ce système « le charbon » dans l’espoir de créer des sols qui deviendront aussi fertiles et riche en carbone à long terme comme terra preta.
Les avantages du biochar
- Améliore le pH du sol à faible coût
Augmenter le pH du sol pour neutraliser son acidité à l’aide d’amendements calciques à l’exemple de la chaux est une opération coûteuse et non justifier économiquement pour le petit agriculteur. Le biochar contient aussi les principes actifs que ces amendements et peut être produit à faible coût.
La presque majorité des biochar produit sont alcalin avec des pH variant de 7-10 , l’alcalinité observée dépends de la proportion des cendres ainsi que des groupements carboxyliques observés dans chaque type de biochar. Ces cendres qui riches en carbonates (fumier) ou anions organiques concourent après leur hydrolyse à la neutralisation de l’acidité du sol et au relèvement du pH. De manière générale les biochars issus des résidus des plantes légumineuse (soja, arachides, niébé, haricots) ont une alcalinité élevée que les biochar issus des résidus des plantes non légumineuses.
Les biochar produit avec les fumiers (fientes de poule ou de volaille) et écorces des arbres, ont généralement un taux élevé en cendre comparativement aux biochar issus du matériau ligneux.
- Augmente la capacité de rétention des éléments minéraux et la disponibilité du phosphore dans le sol.
Comme mentionné ci-dessus les sols tropicaux acides du fait de leur charge positive en milieu acide (conséquence du faible taux de matière organique et du type d’argile rencontré) ont une faible capacité à retenir les grandes quantités éléments fertilisants. C’est pourquoi Il est recommandé de fractionner les apports d’engrais afin d’éviter leur lessivage et que ceux-ci ne se retrouvent dans les eaux souterraines et rivières. Le biochar en augmentant le pH du sol permet non seulement de résoudre le problème d’acidité mais aussi permet au sol d’avoir une charge nette négative et de retenir plus d’éléments fertilisants. Les nutriments sont plus accessibles, et cela protège également les plantes de la toxicité due à l’aluminium qui, présent dans ces sols argileux en particulier, freine la croissance des plantes et limite la production agricole.
Outre la contribution à la nutrition minérale à travers les éléments minéraux contenus dans les cendres, le biochar augmente la disponibilité du phosphore pour les plante dans le sol. En milieu très acide, les apports d’engrais phosphatés se retrouvent fixés dans le sols et non disponibles aux plantes, en revanche le biochar une fois appliqué au sol va libéré des anions organiques qui vont combler les sites de fixations du phosphore de l’argile et permettre ainsi aux engrais phosphatés d’être disponible aux plantes après application. De plus les groupements carboxyliques rattachés à la structure hétérocyclique que constitue le biochar contribuent aussi à la rétention des éléments minéraux.
- Stimule la vie microbienne du sol
Bien que la structure du carbone du biochar est résistant à l’attaque par les microorganismes. Des études ont montré qu’une une faible proportion du carbone contenue dans le biochar peut être disponible aux microorganismes. C’est ce carbone labile qui va stimuler l’activité microbienne du sol. Le biochar agit de manière indirecte à travers le relèvement du pH, plusieurs microorganismes du sols à l’exemple des bactéries ont un développement optimal en milieu proche de la neutralité (pH 6-7). De plus les biochar issus des biomasses présentant un système vasculaire contiennent de nombreux micro et macrospores qui peuvent êtres utilisés par les microorganismes comme refuges contres les prédateurs. Des travaux de recherches ont montré certaines évidences que le biochar aurai un effet bénéfiques sur les mycorhizes, un champignon du sol qui vit en symbiose avec les racines des plantes. . En facilitant le développement des bactéries et des champignons, le biochar favorise aussi la biochar aide à une meilleure structuration du sol le milieu devient alors moins sensible au feu et à l’érosion.
- Améliore la porosité et participe à l’épuration du sol et de l’eau
Le biochar est un matériau poreux et de faible densité (< 0. 5 g/cm3) son incorporation dans le sol augmente la porosité et l’aération du sol, rendant ainsi le sol propice au développement racinaire des plantes. Cette propriété peut être exploitée pour croissance rapide des plants mis en pépinières. Par ailleurs certains biochars possèdent aussi un surface spécifique grande qui leur permet d’absorber les polluants organiques et les métaux lourds dans le sol. La structure microporeuse du charbon de bois lui permet de retenir et de fixer de nombreuses molécules toxiques (des métaux lourds, notamment) présentes dans l’eau et de contribuer à sa dépollution.
Application du biochar
Plusieurs facteurs du processus de pyrolyse influence la qualité du biochar obtenu, d’où l’importance de caractériser le biochar avant toute application au sol et dans l’environnement. Il est aussi important que les expérimentations soient menées en milieu contrôlé et en champs avant de déterminer la dose de biochar à apporter sur tel ou tel type de sol ou culture. En général avec le biochar, plus le sol est pauvre plus le biochar aura un effet sur le sol.
Les sols à texture légère, sableux ou sablonneux seront sont propices aux applications de biochar que les sols à texture lourde comme les sols argileux.
Avant d’appliquer le biochar il est important de noter que lors de la pyrolyse toute l’azote contenue dans la biomasse originelle est soit piégé dans la structure aromatique ou volatilisée. Par conséquent le biochar n’apportera pas d’azote d’où la nécessité d’associer au biochar une source d’azote afin d’éviter le phénomène d’immobilisation de l’azote du sol en cas application de biochar ayant un taux de volatile élevé. Le biochar peut être associé au compost, dans ce cas le compost fournira la matière carbonée nécessaire à la vie microbienne du sol tandis que le biochar aidera à enrichir le sol en carbone. Contrairement à l’azote les autres éléments nutritifs contenus dans les cendres ou la structure carbonée peuvent être disponibles aux plantes. Les doses peuvent aller de 5-50t/ha dépendant du type de sol.
Luc Gérard Onana Onana
Ingénieur agronome/ Msc en science du sol
Enseignant associé à la filière de métier du bois, de l’eau et de l’environnement, Université de Dschang
Laboratoire de conversion thermochique de la biomasse, Université de Gand, Belgique
Email : onalucassen@yahoo.fr / lucgerardonanaonana@Ugent.be