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Contribution du Moringa oleifera à la souveraineté alimentaire au Sénégal : l’exemple du projet pilote de l’école Ogo 2
Au Sénégal, les pratiques alimentaires varient parfois selon les aires culturelles et ethniques . Au nord du pays, les populations de la région de Matam ont une alimentation traditionnelle à base de céréales. Le repas du soir est souvent le couscous. Les plats de couscous varient également en fonction des sauces qui les accompagnent. Le couscous (laciiri é hako en Pular et thiéré mboum en wolof) est à base de mil cultivé dans la région ou vendu dans les marchés. La sauce est constituée de feuilles fraîches de niébé avec de la poudre de poisson fumé et d’arachide. Le Moringa oleifera peut bien entrer dans la recette de préparation de ce plat local. Dans la région, l’école primaire Ogo 2 a en effet tenté de promouvoir cette espèce végétale dans le but de réduire les impacts des risques climatiques sur les moyens d’existence en général et sur la souveraineté alimentaire en particulier.
La vallée du fleuve Sénégal abrite 8% des terres arables du pays et les systèmes de cultures pluviales occupent environ 35% des superficies. Le mil et le sorgho dominent dans la région de Matam . Ces deux céréales jouent un rôle non négligeable dans la souveraineté alimentaire des populations.
Pour le maintien des pratiques culinaires et alimentaires dans la région, il est parfois noté un problème d’approvisionnement en condiments et produits du terroir (qualité et quantité) pour certains plats spécifiques. En effet, la première contrainte révélée est relative à l’approvisionnement en produits nécessaires à la préparation des repas. En fonction des plats préparés, ces produits sont le poisson frais, les granulés de mil ou de maïs et les feuilles de niébé fraîches ou séchées, etc.
Les paysans de la région vivant loin des berges du fleuve sont parfois confrontés à la rareté de ces denrées. Il peut arriver qu’un condiment assez rare soit en rupture. C’est le cas des feuilles de niébé. Fraîches de préférence ou séchées, elles demeurent le condiment de base du couscous local, le plat traditionnel servi au dîner et au petit déjeuner dans beaucoup de familles de la vallée du fleuve Sénégal.
La seconde contrainte est liée au fait que le climat de la région est de type soudano-sahélien à prédominance sahélienne. Il est caractérisé par une longue saison sèche (novembre-juin) et une courte saison humide (juillet-octobre). Les précipitations sont relativement faibles et les températures assez élevées. A cela, s’ajoutent les vents forts et violents parfois chargés de poussière.
L’agriculture sous pluie est pratiquée surtout dans le Diéri et le Ferlo (mil, sorgho, niébé, arachide), mais également, dans une moindre mesure, dans le Walo. Elle demeure encore traditionnelle, extensive et sous-équipée, et soumise aux aléas climatiques avec la difficulté de s’approvisionner en intrants de qualité pour une bonne récolte. La durée de la saison des pluies et les conditions climatiques parfois drastiques ont parfois des impacts néfastes sur les moyens d’existence et surtout sur les condiments naturels utilisés pour les repas.
La valeur nutritive et le goût culinaire dépendent de la qualité des feuilles récoltées et des saisons. A partir de février, les gousses et feuilles vertes perdent leur goût et les populations ont des difficultés pour s’en procurer dans les marchés environnants. En général, toutes les techniques de conservation de feuilles récoltées durant la courte saison des pluies ont une efficacité relative et ne permettent pas de conserver des quantités importantes pour le reste de l’année.
Ainsi, les paysans ont tendance à ne produire que ce qu’ils peuvent conserver efficacement dans les trois mois suivant les récoltes. Ils développent d’autres stratégies pour mieux conserver leur souveraineté alimentaire. Ses stratégies sont possibles en fonction des moyens techniques et financiers disponibles et de l’accessibilité aux bas-fonds humides.
Les champs et les petits jardins familiers rassemblent plusieurs espèces locales de légumes et légumineuses qui entrent dans la composition de nombreux plats traditionnels dont le couscous. Parmi eux, le niébé, dont ils consomment les graines et les feuilles, le gombo, surtout connu pour ses fruits ; l’aubergine amère, dont on consomme les fruits et les feuilles et, enfin, les arachides, dont les graines transformées en crème sont à la base de nombreuses préparations.
L’expérience de l’école Ogo 2
Ogo est une commune située dans la vallée du fleuve Sénégal. Lors du dernier recensement général de la population de 2013, la localité comptait 7 715 habitants et 781 ménages. La population communale s’élevait à 45 592 habitants pour un total de 21 779 hommes contre 23 813 femmes .
L’expérience présentée est en cours depuis 2013. En effet, Abdoulaye Sy, Directeur de l’école primaire Ogo 2, avait initié avec ses élèves une phase pilote qui visait à valoriser le Moringa oleifera. Cette école comptait 355 élèves dont 210 filles. L’objectif général de l’expérience est de réduire la pauvreté au village, les impacts des risques climatiques sur les moyens d’existence et de lutter contre la malnutrition.
Avec sa technique de culture simple et traditionnelle, le Moringa Oleifera (sab sab ou Nebeday en Wolof) répond aux besoins de la population grâce à ses multiples qualités et vertus. En effet, c’est un arbre à croissance très rapide qui demande très peu d’eau. Semé en début d’hivernage il ne nécessite aucun arrosage. Mais le contexte climatique et le calendrier scolaire de la zone exigent un arrosage pour soutenir les pépinières et les jeunes plants. Il peut être récolté dès la première année de culture. Son rendement peut être exceptionnel. Cette culture est directement bénéfique pour les populations qui peuvent profiter de ses vertus nutritives et médicinales.
Au début de l’expérience, les élèves avaient réussi à planter et maintenir en vie 325 pieds de Moringa. Par la suite, sur la base d’une campagne « un arbre par élève », 1227 pieds de Moringa ont été plantés au bénéfice de 58 ménages auxquels s’ajoutent dix autres familles qui, par leur propre initiative, ont aussi planté des pieds dans leurs cours et/ou jardins.
En outre, la journée de reboisement « Une famille un Moringa » a permis la propagation dans les ménages, avec 2862 pieds de Moringa plantés. Avec cette phase pilote, l’école primaire Ogo 2, en collaboration avec l’Inspection d’académie, a réussi à développer la production et l’usage des compléments alimentaires à base de feuilles de Moringa. Elle a favorisé la diversification des activités agricoles et des pratiques agro-forestières familiales. Par la suite, les plantes ont été distribuées aux différentes familles du village.
A la fin de l’hivernage, les populations utilisent désormais le Moringa comme condiment pour le couscous. Les produits frais de Moringa oleifera (feuilles, fleurs, gousses) sont très riches en vitamines C et A, ainsi qu’en calcium . Les feuilles sont aussi séchées, réduites en poudre et utilisées pour assaisonner les plats servis par la cantine scolaire aux 355 élèves. Ceci vient en complément aux vivres distribués par le Programme Alimentaire Mondial à Ogo.
L’expérience de l’école Ogo 2 a permis aux populations de trouver un substitut aux feuilles de Niébé et a contribué au maintien des filles à l’école. Elle a aussi contribué à la diversification des activités agro-forestières par la mobilisation et la sensibilisation des agricultrices et maraîchers du secteur.
En perspective, avec le maintien de l’activité à l’école, plusieurs pépinières seront créées et les populations seront dotées en équipement et en matériel de production (clés de séchage solaires). Des sessions de renforcement de capacités permettront aux populations de mieux maitriser la filière, d’approvisionner les localités environnantes et d’avoir des revenus plus stables.
Aujourd’hui, dans un souci de préservation de la souveraineté alimentaire des populations de la vallée du Sénégal, un partenariat durable est nécessaire entre populations et partenaires au développement pour capitaliser des expériences comme celui de l’école Ogo 2.
La collectivité locale, l’administration scolaire et les partenaires au développement doivent travailler à créer une dynamique de participation suffisante pour intéresser les populations à l’innovation. C’est dans ce cadre que l’Association pour la Promotion et la Vulgarisation du Moringa au Sahel a été mise sur pied pour diffuser et capitaliser l’expérience dans la vallée.
Cheikh Tidiane WADE
Géographe Environnementaliste
Coordonnateur du Programme PRESA à IED Afrique
Contact : cheikhwad@gmail.com
Références bibliographiques :
Mohamadou Sall, « Vivre le Fouta à Mantes-la-Jolie », Hommes et migrations [En ligne], 1283 | 2010, mis en ligne le 29 mai 2013, consulté le 21 avril 2017. URL : http://hommesmigrations.revues.org/991 ; DOI : 10.4000/hommesmigrations.991
http://www.ntiposoft.com/domaine_200/pdf/caractspasenegal.pdf
Thioub, M. 2015. Elaboration de référence pour l’évaluation de la politique publique pour les filières Mil & Sorgho au Sénégal ; Mémoire Professionnel. ENSAE. ANSD.CEPOD. 87 pages
http://www.ansd.sn/ressources/ses/chapitres/1-demographie-matam2013.pdf
http://therapeutesmagazine.com/moringa-oleifera/