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Les femmes, vecteurs d’informations dans la Lutte contre les pesticides agricoles nocifs, au Ghana.

Pour contrer les effets pervers engendrés par la consommation de produits alimentaires contaminés par les pesticides chimiques, Les femmes du district de Lawra dans le Nord du Ghana ont engagé une campagne de sensibilisation dénommée « nous sommes la solution ». Cette initiative a contribué à la diffusion des pratiques agro-écologiques dans la région.

L’incapacité des familles à s’assurer trois repas par jour est un problème particulièrement criant dans le district de Lawra au Nord du Ghana. Pendant plusieurs années, le gouvernement a fourni des produits chimiques et des engrais aux agriculteurs dans le cadre de la révolution verte en Afrique. Mais contrairement aux attentes, la dégradation sévère des sols se poursuit, les terres agricoles sont dans un état terrible et ne produisent plus assez de nourriture pour alimenter les familles.

L’idée de retourner à nos racines a émergé suite à une conférence qui rassemblait des femmes des pays de l’Afrique de l’Ouest, et à laquelle la région du Nord du Ghana était représentée.

« Nous avons été inspirées par les dirigeantes du Mali qui nous on dit comment elles ont réussi à accroître la prise de conscience des femmes des zones rurales. De retour dans nos communautés, nous avons rencontré des dirigeantes traditionnelles, des femmes qui travaillent au marché, des groupes de femmes et des familles d’agriculteurs. Nous avons échangé des informations et partagé nos expériences à propos des effets des pesticides sur nos légumes et nos cultures alimentaires.
Dans le district de Lawra, une famille est morte à Wulli après avoir mangé des fèves bambara qui avaient été traitées avec des pesticides. Nous avons aussi parlé avec une femme qui a décidé de goûter les légumes crus directement au marché de façon à vérifier si des pesticides ont été utilisés. En goûtant et en sentant, elle a réalisé que des pesticides étaient utilisés. Après s’être plainte au marchand de légumes, une autre femme qui se tenait là a dit qu’elle avait remarqué le même problème. Après avoir servi à sa famille une soupe de ’légumes aux pesticides’, a-t-elle partagée, ils ont eu des maux d’estomac et ils ont dû aller à l’hôpital pour être traités
 ».

Les femmes sont la solution

Donc, nous avons commencé à sensibiliser les femmes à propos des effets des pesticides sur les légumes et les cultures alimentaires. Avec le support de CIKOD, une ONG basée au Ghana, nous avons lancé une initiative contre l’usage des pesticides. Une campagne appelée ’Nous sommes la solution’. Oui, les femmes sont la solution parce que nous pouvons agir comme vecteurs d’information en partageant d’importants messages avec d’autres. Dans cet esprit, nous avons partagé des histoires avec notre famille et nos amis à propos des effets négatifs de l’usage des pesticides.

Nous avons conseillé aux femmes de ne pas acheter les légumes les plus verts et les plus brillants (une indication que des pesticides ont été utilisés). Nous les avons aussi sensibilisées à propos de l’usage et de l’importance des fumures organiques.

Comme point culminant de la campagne, nous avons organisé une foire alimentaire, qui exposait nos aliments traditionnels et sur lesquels aucun pesticide n’avait été appliqué. À cette soi-disant Durbar, les dirigeants traditionnels comme le Chef suprême de la zone traditionnel de Lawra, les Pognaamine suprêmes (les reines), et les dignitaires des deux districts et régions étaient présents pour l’occasion. Ils ont exprimé leur support aux idées de RUWFAG. Nos groupes de femmes ont composé et chanté des chansons à propos des effets néfastes de l’usage des produits chimiques sur les cultures alimentaires et les légumes.

Nos activités ont contribué à la diffusion des pratiques qui n’utilisent pas de produits chimiques. Dans le village de Kunyukuo et Tongo par exemple, les femmes n’étendent plus de pesticides. Elles ramassent les excréments d’animaux et les utilisent comme insecticide et comme engrais biologique pour leurs cultures. Il y a aussi eu une augmentation visible de la disponibilité des cultures et aliments traditionnels dans les marchés, comme le dawa-dawa, un condiment local qui a été abandonné pour les cubes de bouillon de fabrication industrielle Maggi. Un des résultats inattendus de nos ’conversations sur la santé’, a été d’observer une augmentation du nombre de groupe de femmes membres de RUWFAG, qui est passé de 10 à 35 durant la période de 2011 à 2013. RUWFAG a réussi à rejoindre ces groupes de femmes avec les mêmes messages.

Les facteurs de réussite... et les difficultés

Ce qui a aidé à convaincre les femmes a été notre approche du problème des pesticides centrée sur la santé. Comme les femmes sont les principales gardiennes de la santé de leurs familles, ce problème a résonné en elles. Un jour, nous avons rencontré la femme du chef au marché. Elle nous a écouté avec intérêt et a supporté notre message de tout cœur. Son support et son appui ont donné à notre campagne beaucoup plus de poids.

Les femmes ont apprécié que nous les visitions dans leurs maisons, au lieu de les convoquer à une réunion centrale. Généralement, les femmes des zones rurales ont peu de temps libre. Elles sont occupées avec les tâches agricoles et domestiques, la cuisine, le ménage et doivent s’occuper de leurs familles. Nos visites ont facilité la communication avec elles. Et nous ne les avons pas visitées qu’une seule fois. En fait, nous avons travaillé en relation étroite avec les femmes et nous les avons visitées dans leurs maisons plusieurs fois au cours de l’expérience. Ça a été une des raisons expliquant notre succès.

Les marchés sont des endroits importants de rencontres informelles pour les femmes. C’est ici que tous les légumes des jardiniers commerciaux sont vendus. Cela en fait l’endroit le plus important pour l’enseignement en personne des vendeurs et des consommateurs de légumes dans les communautés. Le marché est un endroit plus efficace pour enseigner aux femmes puisqu’ainsi on n’accapare pas trop de leur temps. Elles sont capables de vaquer à leurs activités normales tout en écoutant les intervenants.

Par contre, les activités du ministère de l’Agriculture se sont opposées à notre travail, puisqu’il travaille à faire la promotion et fournit des insecticides chimiques qui proviennent de l’étranger aux agriculteurs. Il est difficile pour les agriculteurs de résister à cette tendance. Une autre difficulté a été l’offre importante d’additifs alimentaires bon marché et la perception des femmes que ces additifs sont meilleurs et plus faciles à utiliser. Finalement, il y avait seulement un financement limité pour les dépenses liées aux déplacements de RUWFAG pour aller visiter les groupes de femmes.

Préparer l’avenir

RUWFAG envisage avec enthousiasme de continuer à partager les meilleures pratiques avec les pays voisins pour l’amélioration des pratiques agro-écologiques. Nous allons continuer à encourager la production, la conservation et l’usage des graines et aliments indigènes pour la souveraineté alimentaire parmi les femmes des communautés rurales, et faire la promotion de la consommation de légumes sains.

Par RUWFAG-Lawra - Rebecca A Sabri - Coordinatrice, Pognaa Patricia Dianon - présidente, May Asumpta Mwinsigtend - Membre d’office

En mai 2013, des organisations de toute l’Afrique de l’Ouest se sont réunies au Ghana pour participer à un atelier portant sur l’amplification des solutions ’agro écologiques. Cette histoire a été écrite durant l’atelier par les femmes agriculteurs de RUWFAG au Ghana. D’autres histoires peuvent être trouvées sur les sites suivants : http://www.groundswellinternational.org/where-we-work/west-africa/
www.ileia.org